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Introduction

La mimésis

Floridi / austeri

Via compendiaria

La question de la perspective

Couleur et rhétorique, poésie et peinture

La conception antique de l’art vue par les modernes

 
 

 

La peinture comme imitation

Critique platonicienne de la mimesis : la skiagraphie

Apprendre par l’ image

Mimesis des Anciens

Xénocrate

 

 
     
   
                 
 
b - critique platonicienne de la mimesis : la skiagraphia
     
  Le concept de mimesis est au cœur de la philosophie platonicienne puisque celle-ci s’articule sur l’opposition entre monde intelligible et monde sensible, le second étant seulement la copie du premier et ayant par conséquent un degré moindre de réalité. La mimesis, parce qu’elle éloigne de la réalité intelligible, ne peut donc être envisagée par Platon comme un phénomène positif. Puisque l’art pictural grec prétend imiter la nature sensible, et s’adresse à la perception, il est considéré par Platon comme un artifice trompeur. Platon critique donc l’art pictural en ce qu’il n’est qu’un art de l’illusion, qui charme et séduit la sensibilité au lieu de ménager un accès au vrai.

Dans La République, Platon expose sa défiance vis-à-vis de l’art en prenant l’exemple du lit en explicitant les relations entretenues entre le lit en soi ou l’idée du lit, les différents échantillons de lits sensibles qui participent tous de l’idée du lit, et la représentation picturale d’un lit sensible. Pour Platon, le lit sensible est déjà mimesis du lit intelligible. Produire une peinture, une imitation du lit sensible, c’est donc s’éloigner encore d’un degré de l’idée de lit, dont le lit sensible n’est que l’imitation. La critique platonicienne de l’art mimétique est donc entièrement liée à sa conception du rapport entre intelligible et sensible, où les apparences sensibles sont les copies des idées intelligibles, qui seules possèdent la véritable réalité.

 
       
Platon,
République X, 596d-598d
   

  Socrate – Prends un miroir et présente-le de tous côtés ; en moins de rien, tu feras le soleil et tous les astres du ciel, la terre, toi-même, les ouvrages de l’art, et tout ce que nous avons dit.
Glaucon – Oui, je ferai tout cela en apparence, mais il n’y a rien de réel, rien qui existe véritablement.
Socrate – Fort bien. Tu entres parfaitement dans ma pensée. Le peintre est apparemment un ouvrier de cette espèce, n’est-ce pas ?
Glaucon – Sans doute.
Socrate – Tu me diras peut-être qu’il n’y a rien de réel en tout ce qu’il fait ; cependant le peintre fait aussi un lit en quelque façon.
Glaucon – Oui, l’apparence d’un lit.
[…]
Socrate – Il y a donc trois espèces de lit ; l’une qui est dans la nature, et dont nous pouvons dire, ce me semble, que Dieu est l’auteur ; auquel autre, en effet, pourrait-on l’attribuer ?
Glaucon – A nul autre
Socrate – Le lit du menuisier en est une aussi
Glaucon – Oui
Socrate – Et celui du peintre en est encore une autre, n’est-ce pas ?
Glaucon – Oui
Socrate – Ainsi le peintre, le menuisier, Dieu, sont les trois ouvriers qui président à la façon de ces trois espèces de lit. […]
Donnerons-nous à Dieu le titre de producteur de lit, ou quelqu’autre semblable ? Qu’en penses-tu ?
Glaucon – Le titre lui appartient, d’autant plus qu’il a fait de lui-même et l’essence du lit, et celle de toutes les autres choses.
Socrate – Et le menuisier, comment l’appellerons-nous ? L’ouvrier du lit, sans doute ?
Glaucon – Oui
Socrate – A l’égard du peintre, dirons-nous aussi qu’il en est l’ouvrier ou le producteur ?
Glaucon – Nullement
Socrate – Qu’est-il donc par rapport au lit ?
Glaucon – Le seul nom qu’on puisse lui donner avec le plus de raison, est celui d’imitateur de la chose dont ceux-là sont ouvriers.
[…]
Socrate – Le peintre se propose-t-il pour objet de son imitation ce qui, dans la nature, est en chaque espèce, ou plutôt ne travaille-t-il pas d’après les oeuvres de l’art ?
Glaucon – Il imite les œuvres de l’art.
Socrate – Tels qu’ils sont, ou tels qu’ils paraissent ? Explique moi encore ce point.
Glaucon – Que veux-tu dire ?
Socrate – Le voici. Un lit n’est pas toujours le même lit, selon qu’on le regarde directement ou de biais ou de toute autre manière ? Mais quoiqu’il soit le même en soi, ne paraît-il pas différent de lui-même ? J’en dis autant de toute autre chose.
Glaucon – L’apparence est différente, quoique l’objet soit le même.
Socrate – Pense maintenant à ce que je vais dire ; quel est l’objet de la peinture ? Est-ce de représenter ce qui est tel, ou ce qui paraît, tel qu’il paraît ? Est-elle l’imitation de l’apparence, ou de la réalité ?
Glaucon - De l’apparence.
Socrate – L’art d’imiter est donc bien éloigné du vrai ; et la raison pour laquelle il fait tant de choses, c’est qu’il ne prend qu’une petite partie de chacune ; encore ce qu’il en prend n’est-il qu’un fantôme. Le peintre, par exemple, nous représentera un cordonnier, un charpentier, ou tout autre artisan, sans avoir aucune connaissance de leur métier ; mais cela ne l’empêchera pas, s’il est bon peintre, de faire illusion aux enfants et aux ignorants, en leur montrant du doigt un charpentier qu’il aura peint, de sorte qu’ils prendront l’imitation pour la vérité.
Glaucon – Assurément.
Socrate – Ainsi, mon cher ami, devons-nous l’entendre de tous ceux qui font comme ce peintre. Lorsque quelqu’un viendra nous dire qu’il a trouvé un homme qui sait tous les métiers, qui réunit à lui seul, dans un degré éminent, toutes les connaissances qui sont partagées entre les autres hommes, il faut lui répondre qu’il est dupe apparemment de quelque magicien et de quelque imitateur qu’il a pris pour le plus habile des hommes, faute de pouvoir lui-même distinguer la science, l’ignorance et l’imitation.
       
      traduction Victor Cousin, 1822
       
  Dans le Sophiste, Platon précise sa critique de l’art pictural en distinguant l’art qui reproduit fidèlement un objet comme il est réellement, dit « art de la simulation », et l’art copiant l’objet comme il apparaît, dit « art de l’apparence illusoire », qui vise l’illusion d’optique. Ce dernier est plus critiquable encore car il s’éloigne davantage de la réalité ; un trompe-l’œil ne fonctionne qu’à distance : il n’imite même pas la réalité, puisqu’il la déforme pour mieux nous tromper, il prend en compte les imperfections de notre nature pour créer des images qui ne sont belles qu’en apparence.  
       
Platon,
Sophiste, 235 e-236
       
  L’étranger. Je distingue d’abord dans l’art d’imiter celui de copier. Or copier, c’est reproduire les proportions du modèle en longueur, largeur et profondeur ; c’est, en outre, ajouter à chaque partie du dessin les couleurs appropriées à chacune, de façon à obtenir une imitation parfaite. (Théétète. Quoi donc ! Est-ce que tous ceux qui imitent ne s’efforcent pas de faire la même chose ?) L’étranger. Non, pas ceux du moins qui peignent ou sculptent en grand. Tu sais bien que, s’ils donnaient leurs véritables proportions aux belles figures qu’ils représentent, les parties supérieures nous paraîtraient trop petites, les inférieures trop grandes, parce que nous voyons les unes de loin et les autres de près. Aussi nos artistes d’aujourd’hui, sans s’inquiéter de la vérité, mesurent-ils les proportions de leurs figures non sur la réalité, mais sur l’apparence. – (Théétète. C’est, en effet, ainsi qu’ils procèdent. Or, cette première sorte d’imitation n’est-il pas juste, puisqu’elle ressemble à l’objet, de l’appeler une copie ?
Oui. – Et cette partie de l’art d’imiter, ne faut-il pas l’appeler, comme nous l’avons déjà dit, l’art de copier ? – Il faut l’appeler ainsi.) – L’étranger. Mais quoi ! ce qui paraît ressembler au beau, parce que la perspective a été ménagée en vue du beau, mais qui, dès qu’on a la liberté de le considérer à loisir, ne ressemble plus à l’objet dont il est l’image, comment l’appellerons-nous ? Puisqu’il paraît ressembler réellement, n’est-ce pas un fantôme ? – (En effet. – N’est-ce donc pas là une partie considérable de la peinture et, en général, de l’art d’imiter ? Incontestablement. Et l’art qui produit, au lieu d’une copie fidèle, un fantôme, ne serait-il pas très exactement nommé fantasmagorie ? – Sans doute.) Voilà donc les deux espèces de l’art de faire des simulacres dont je parlais, l’art de copier et la fantasmagorie
       
      traduction d’A. Reinach, édition 1921; Macula 1985
       
  Dans de nombreux dialogues, Platon compare le concept philosophique d’apparence trompeuse avec une pratique courante de son époque, la skiagraphie, c’est-à-dire précisément la « peinture des ombres ». Cela renvoie bien entendu à la technique de l’ombrage, mais ce terme résonne de manière significative dans le texte de Platon, si l’on pense à l’allégorie de la caverne (République, VII, 514a-517a) ; l’ombre est dans les deux cas associée à l’illusoire. Ceci explique la traduction de skiagraphia par « peinture en trompe-l’œil ». Si le philosophe regarde l’art pictural en général avec défiance, sa critique la plus virulente concerne la skiagraphie, car celle-ci fait appel à plus de procédés illusionnistes que la peinture ancienne, afin d’obtenir l’illusion optique.  
       
Platon,
Parménide,165c,d
       

  A les voir de loin et en gros, chacune de ces masses paraît être une, tandis qu’examinée de près et en détail, elle est manifestement une multitude infinie, puisqu’elle est privée de l’un, dès que l’un n’est pas.
– Nécessairement.
– Ainsi il faut que chaque chose autre que l’un paraisse infinie et limitée, une et plusieurs, si l’un n’est pas et qu’il y ait d’autres choses que l’un.
– Oui.
– Et ces choses ne semblent-elles pas être aussi semblables et dissemblables ?
– Comment ?
– Les figures d’un tableau (skiagraphies) vues de loin se confondent toutes en une seule et paraissent semblables.
– Oui.
- Si l’on s’approche, au contraire, elles paraissent plusieurs et différentes, et la diversité se manifestant, on les reconnaît pour diverses et dissemblables entre elles.
– Cela est vrai
– De même les agrégats apparaissent comme semblables et dissemblables et à eux-mêmes et les uns aux autres
– Oui.
– Par conséquent aussi, ils apparaissent comme les mêmes et comme autres les uns que les autres, comme se touchant et comme isolés, comme se mouvant de toutes les espèces de mouvement […]
       
      Traduction Victor Cousin, Rey et Gravier, 1839
       
Platon,
Théétète, 208 e
       
  A dire vrai, Théétète, pour ma part, maintenant que je me suis approché de cet énoncé, il m’arrive tout à fait la même chose que si c’était une peinture en trompe-l’œil : je n’en comprends même pas un détail, alors que, tant que je me tenais à distance, il m’apparaissait avoir un sens.
       
  L’art est un divertissement mais il doit néanmoins être conforme à la vérité et à la vertu. En cela, n’importe quelle forme prise par l’art n’est pas bonne. C’est ce qu’affirme ce passage des Lois où Platon exalte l’art égyptien, qu’il présente comme un art dont les règles, fixées depuis bien longtemps, sont toujours les mêmes. Si Platon évoque avec enthousiasme cette immuabilité, c’est que l’évolution de l’art pictural engendre, selon lui, un art de plus en plus critiquable, car de plus en plus illusionniste, donc de plus en plus faux. S’agissant de l’art grec, Platon introduit l’idée de « modèle », de « représentation traditionnelle » : ce que Platon approuve dans l’art égyptien, c’est la schématisation, l’utilisation de symboles – une certaine forme d’abstraction, opposée à toute ambition naturaliste : la représentation sans l’imitation.  
       
Platon,
Lois II, 656d 657a
       
 
[…] il y a longtemps, à ce qu’il paraît, que l’on a reconnu chez les Egyptiens la vérité de ce que nous disons ici, que dans chaque Etat la jeunesse ne doit employer habituellement que ce qu’il y a de plus parfait en fait de figure et de mélodie. C’est pourquoi après en avoir choisi et déterminé les modèles, on les expose dans les temples, et il est défendu aux peintres et aux autres artistes qui font des figures ou d’autres ouvrages semblables, de rien innover, ni de s’écarter en rien de ce qui a été réglé par les lois du pays : et cette défense subsiste encore aujourd’hui, et pour les figures, et pour toute espèce de musique. Et si on veut y prendre garde, on trouvera chez eux des ouvrages de peinture ou de sculpture faits depuis dix mille ans (quand je dis mille ans, ce n’est pas pour ainsi dire, mais à la lettre), qui ne sont ni plus ni moins beaux que ceux d’aujourd’hui, et qui ont été travaillés sur les mêmes règles.
       
      Traduction Victor Cousin, Pichon et Didier 1831
       
  Quatre siècles après Platon, Vitruve, dans le De architectura, s’inquiète de l’évolution de la peinture murale, qui, à son époque, néglige les règles de vraisemblance au profit d’ornementations fantaisistes. Sa critique est donc sensiblement différente de celle de Platon. Comme lui, il fait référence à un modèle ancien, mais si pour Platon ces Anciens sont les Egyptiens, pour Vitruve ce sont les peintres de l’époque de Platon. Comme Platon, il dénonce la peinture qui éloigne de la vérité, mais à un autre niveau : il ne remet pas en cause la mimesis elle-même en tant qu’art de tromper, mais exige de celle-ci qu’elle respecte des règles de vraisemblance : on en revient à l’idée que c’est la nature qu’il faut imiter.  
       
Vitruve,
De architectura, Livre VII, chap 5, §1 à 4
       
Ceteris conclavibus, id est vernis, autumnalibus, aestivis, etiam atriis et peristylis, constitutae sunt ab antiquis ex certis rebus certae rationes picturarum. Namque pictura imago fit eius, quod est seu potest esse, uti homines, aedificia, naves, reliquarumque rerum, e quibus finitis certisque corporibus figurata similitudine sumuntur exempla. Ex eo antiqui, qui initia expolitionibus instituerunt, imitati sunt primum crustarum marmorearum varietates et conlocationes, deinde coronarum, siliculorum, cuneorum inter se varias distributiones.
Postea ingressi sunt, ut etiam aedificiorum figuras, columnarum et fastigiorum eminentes proiecturas imitarentur, patentibus autem locis, uti exhedris, propter amplitudines parietum scaenarum frontes tragico more aut comico seu satyrico designarent, ambulationibus vero propter spatia longitudinis varietatibus topiorum ornarent ab certis locorum proprietatibus imagines exprimentes; pinguntur enim portus, promunturia, litora, flumina, fontes, euripi, fana, luci, montes, pecora, pastores. Nonnulli loci item signorum megalographiam habent et deorum simulacra seu fabularum dispositas explicationes, non minus troianas pugnas seu Ulixis errationes per topia, ceteraque, quae sunt eorum similibus rationibus ab rerum natura procreata.
Sed haec, quae ex veris rebus exempla sumebantur, nunc iniquis moribus inprobantur. Nam pinguntur tectoriis monstra potius quam ex rebus finitis imagines certae: pro columnis enim struuntur calami striati cum crispis foliis et volutis, pro fastigiis appagineculi, item candelabra aedicularum sustinentia figuras, supra fastigia eorum surgentes ex radicibus cum volutis teneri flores habentes in se sine ratione sedentia sigilla, non minus coliculi dimidiata habentes sigilla alia humanis, alia bestiarum capitibus.
Haec autem nec sunt nec fieri possunt nec fuerunt. Quemadmodum enim potest calamus vere sustinere tectum aut candelabrûm ornamenta fastigii, seu coliculus tam tenuis et mollis sustinere sedens sigillum, aut de radicibus et coliculis ex parte flores dimidiataque sigilla procreari? At haec falsa videntes homines non reprehendunt sed delectantur, neque animadvertunt, si quid eorum fieri potest necne. Ergo ita novi mores coegerunt, uti inertiae mali iudices convincerent artium virtutes; iudiciis autem infirmis obscuratae mentes non valent probare, quod potest esse cum auctoritate et ratione decoris. Neque enim picturae probari debent, quae non sunt similes veritati, nec, si factae sunt elegantes ab arte, ideo de his statim debet 'recte' iudicari, nisi argumentationis certas rationes habuerint sine offensionibus explicatas.


  Pour toutes les autres pièces – c’est-à-dire celles de printemps, d’automne et d’été – et aussi pour les atria et les péristyles, les Anciens ont fixé, en partant de réalités extérieures déterminées, des principes rationnels déterminés pour l’exécution des peintures. En effet, grâce à la peinture, on réalise l’image de ce qui existe ou peut exister (êtres humains, bâtiments, navires) et celle des autres choses dont les corps définis et déterminés permettent de tirer des copies par une représentation ressemblante. En vertu de ce principe, les Anciens qui établirent les premiers décors pariétaux imitèrent, pour commencer, les bigarrures et les dispositions des revêtements de marbre puis les combinaisons variées des corniches, des godrons et des lignes de refends.
Ensuite, ils se mirent également à imiter les formes des bâtiments, les avancées en relief des colonnes et des frontons ; à représenter, dans les lieux ouverts comme les exèdres, en raison de l’ampleur des parois, des fronts de scène, tragique, comique ou satyrique, et dans les promenades couvertes, en raison de leur extension en longueur, une décoration inspirée par la diversité des paysages en tirant des images des particularités déterminées des lieux. On peint en effet des ports, promontoires, rivages, fleuves, sources, détroits, sanctuaires, bois sacrés, montagnes, troupeaux, bergers tandis que quelques-uns emploient la mégalographie à la place des statues, qu’il s’agisse des effigies de divinités ou du déroulement ordonné des scènes mythologiques, ainsi que des combats d’avant Troie ou des errances d’Ulysse à travers les paysages et tous les autres décors créés par la nature selon les mêmes principes que ceux-ci.
Mais ces représentations qui étaient copiées à partir de données réelles sont condamnées de nos jours par une mode dépravée. Car sur les enduits on peint des figures monstrueuses plutôt que des images déterminées de réalités définies : en guise de colonnes, on élève des roseaux cannelés, en guise de frontons des enjolivures avec des frisures de feuilles et des volutes et aussi des candélabres qui supportent des représentations de chapelles et, prenant racine sur leur frontons, de tendres fleurs qui surgissent au milieu de volutes avec, sans justification rationnelle, des figurines assises sur elles ou bien de petites tiges porteuses de figurines partagées en deux, une moitié à tête humaine, une moité à tête animale.
Figures qui n’existent pas ni ne peuvent exister ni ne furent. Comment en effet un roseau peut-il réellement porter un toit, un candélabre, les ornements d’un fronton, une petite tige, si grêle et si flexible, une figurine assise ? Comment de racines et de petites tiges peuvent naître tantôt des fleurs, tantôt des figurines coupées en deux ? Mais le public voit la fausseté de ces choses et au lieu de les réprouver, il en fait ses délices sans s’inquiéter de savoir si aucune d’entre elles peut exister ou non. Ainsi donc les modes nouvelles ont pris tant d’empire que les mauvais juges prétendent convaincre de stérilité les vigueurs de l’art, et les esprits enténébrés par ces jugements pleins de faiblesse n’ont plus la force de donner leurs suffrages à ce qui peut exister avec la maîtrise et la rationalité inhérentes au décor. On ne peut en effet accorder son suffrage à des peintures non conformes à la vérité ni non plus du fait qu’elles présentent toutes les finesses de l’art, en conclure immédiatement qu’elles sont bien faites, à moins que les représentations ne s’organisent suivant des principes rationnels qui se trouvent formulés sans discordances.
       
      Traduction A. Reinach, 1921; Macula 1985