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a - la peinture comme imitation |
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La peinture dans l’Antiquité est uniformément définie comme mimesis. Les différentes traductions de ce terme grec, « représentation » ou « imitation », montrent que la qualité de la mimesis, véritable critère d’appréciation des performances picturales pour les Grecs de l’Antiquité, a un statut différent selon les auteurs.
Nous disposons de nombreuses anecdotes, chez Pline notamment, illustrant le pouvoir illusionniste de la peinture. Pouvoir de représenter le réel, de donner à voir les objets ou les êtres absents, la mimesis est surtout interprétée comme étant le pouvoir de rendre la vie, le mouvement, d’imiter la nature elle-même. C’est à ce titre que la nature peut devenir critique d’art : les animaux s’avèrent parfois les meilleurs juges de son pouvoir…
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Pline,
Histoire naturelle, Livre XXXV, §65, 66 |
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Descendisse hic in certamen
cum Zeuxide traditur et, cum ille detulisset uvas pictas tanto successu,
ut in scaenam aves advolarent, ipse detulisse linteum pictum ita
veritate repraesentata, ut Zeuxis alitum iudicio tumens flagitaret
tandem remoto linteo ostendi picturam atque intellecto errore concederet
palmam ingenuo pudore, quoniam ipse volucres fefellisset, Parrhasius
autem se artificem. Fertur et postea Zeuxis pinxisse puerum uvas
ferentem, ad quas cum advolassent aves, eadem ingenuitate processit
iratus operi et dixit: “uvas melius pinxi quam puerum, nam
si et hoc consummassem, aves timere debuerant ‘’.
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On raconte que ce dernier [Parrhasius]
entra en compétition avec Zeuxis : celui-ci avait présenté des
raisins si aisément reproduits que les oiseaux vinrent voleter
auprès d’eux sur la scène ; mais l’autre
présenta un rideau peint avec une telle perfection que Zeuxis,
tout gonflé d’orgueil à cause du jugement des oiseaux,
demanda qu’on se décidât à enlever le rideau
pour montrer la peinture, puis, ayant compris son erreur, il céda
la palme à son rival avec une modestie pleine de franchise,
car, s’il avait personnellement, disait-il, trompé les
oiseaux, Parrhasius l’avait trompé lui, un artiste. On
rapporte que Zeuxis peignit également, plus tard, un enfant
portant des raisins ; des oiseaux étant venus voleter auprès
de ces derniers, en colère contre son œuvre, il s’avança
et dit, avec la même franchise : « J’ai mieux peint
les raisins que l’enfant, car, si je l’avais aussi parfaitement
réussi, les oiseaux auraient dû avoir peur. » |
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traduction d’A.Reinach,
La peinture ancienne, 1921; Macula 1985 |
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Pline,
Histoire naturelle, Livre XXXV, § 95 |
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Est et equus eius, sive
fuit, pictus in certamine, quo iudicium ad mutas quadripedes provocavit
ab hominibus. Namque ambitu praevalere aemulos sentiens singulorum
picturas inductis equis ostendit: Apellis tantum equo adhinnivere,
idque et postea semper evenit, ut experimentum artis illud ostentaretur.
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Il existe – ou a existé – de
sa main un cheval, peint lors d’un concours, à propos
duquel il en appela du jugement des hommes à celui des quadrupèdes
pourtant muets. En effet, s’apercevant que ses rivaux l’emportaient
grâce à leurs intrigues, il fit amener des chevaux et
leur montra les œuvres de chacun des artistes successivement :
or ils ne hennirent que devant le cheval d’Apelle, et l’on
utilisa toujours ce procédé par la suite, à titre
de test évident de valeur artistique. |
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traduction d’A.Reinach,
La peinture ancienne, Macula 198 |
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La mimésis
ne s’applique cependant pas à n’importe quel objet
: ce qui doit être rendu, parfaitement imité, c’est
le mouvement, la vie. Philostrate indique qu’il faut peindre « à la
bonne heure » et « avec la grâce » seule capable
de rendre l’impression de la vie (Philostrate joue sur le double
sens de « hôra », qui signifie à la fois « saison »,
c’est-à-dire le sujet du tableau « les Heures »,
et « grâce »), Philostrate, Les Eikones, texte 34, « les
Heures », traduction de Bougot, les Belles Lettres, 1991). |
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Philostrate,
Vie d’Apollonios de Tyane, II, 22 |
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Cependant il dit à Damis
: « crois-tu
qu’il y ait un art de peindre ? – Oui, s’il y a une
vérité. – Et que fait cet art ? – Il mêle
les couleurs entre elles, le bleu avec le vert, le blanc avec le noir,
le rouge avec le jaune. – Et pourquoi les peintres font-ils ce
mélange ? Est-ce seulement pour donner à leurs tableaux
de l’éclat, comme font les femmes qui se fardent ? – C’est
pour mieux imiter, pour mieux reproduire, par exemple, un chien, un
cheval, un homme, un vaisseau, et tout ce qu’éclaire le
Soleil. La peinture va même jusqu’à représenter
le Soleil, tantôt monté sur ses quatre chevaux, comme
on dit qu’il apparaît ici, tantôt embrasant le ciel
de ses rayons, et colorant l’éther et les demeures des
Dieux. – La peinture est donc l’art d’imiter ? – Pas
autre chose. Si elle n’était pas cela, elle ne ferait
qu’un ridicule amas de couleurs assemblées au hasard. |
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traduction d’A.Reinach, La
peinture ancienne, Macula 198 |
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Philostrate,
La galerie de tableaux, Introduction |
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Ne pas aimer la peinture,
c’est mépriser la vérité même, c’est
mépriser ce genre de vérité que nous rencontrons
chez les poètes, car la peinture, comme la poésie,
se complaît à nous représenter les traits et
les actions des héros ; c’est aussi n’avoir point
d’estime pour la science des proportions, par laquelle l’art
se rattache à l’usage même de la raison. Si l’on
voulait parler avec subtilité, on dirait que la peinture est
une invention des dieux, en songeant aux différents aspects
de la terre dont les prairies sont comme peintes par les saisons
et à tout ce que nous voyons dans le ciel. |
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traduction d’Auguste
Bougot, révisée par Lissaragues, Belles
Lettres, 1991, 8 lignes |
Philostrate,
La galerie de tableaux, Livre II, 34 |
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…pour les Heures elles-mêmes,
elles sont pleines de charme et peintes avec un art merveilleux.
Vois en effet comme elles semblent bien chanter, avec quelle rapidité tourne
leur ronde, comme nulle d’entre elles n’est vue de dos,
toutes semblant venir au-devant du spectateur.
[…]
Je ne sais si elles ne nous permettent point de raconter une fable sur le peintre
; il me semble en effet qu’il rencontra les Heures comme elles dansaient,
que sur leurs exhortations pressantes il se mit à l’ouvrage, les
déesses voulant ainsi montrer, j’imagine, qu’il faut peindre à la
bonne heure. |
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traduction d’Auguste
Bougot, révisée par Lissaragues, Belles
Lettres, 1991, 6 lignes |
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