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USAGES DES PIGMENTS
     
  Les pigments chez les Anciens ne sont pas seulement des matériaux destinés à la peinture : la diversité de leurs usages est étonnante. Ainsi, Platon utilise souvent pour désigner la couleur le terme de « pharmakon », par exemple dans la République, 420c : « Si donc nous étions occupés à peindre une belle statue, et que quelqu’un vînt nous blâmer de ne pas employer les plus belles couleurs pour les plus belles parties du corps […] nous nous défendrions sagement en lui tenant ce discours… » (traduction de Robert Baccou, Paris, GF, 1966). Le terme traduit par « couleur » est ici « pharmakon ». Or les premiers sens de ce mot sont « toute substance au moyen de laquelle on altère la nature d’un corps » et « toute drogue salutaire ou malveillante » (Bailly). Par suite il peut s’agir aussi bien d’une drogue médicinale que d’une potion magique, ou d’une drogue pour teindre, la peinture, le fard. Par ce terme, Platon indique surtout la valeur négative de séduction de la couleur (« pharmakon » désigne aussi le maquillage égyptien), mais il témoigne aussi de ses multiples usages : c’est au sens propre que la couleur est un « pharmakon », une drogue aux multiples vertus.

L’Histoire Naturelle de Pline, elle, rend compte de la diversité des usages des pigments, dans de multiples registres de savoir-faire, en particulier cosmétiques et médicaux.

 
         

Pline,
Histoire naturelle, Livre XXXV, §32, 37
Edition Nisard, édition J.J.Dubochet, 1850

   
§ 32. Usus ad bases abacorum, in medicina vero blandus Emplastrisque et malagmatis, sive sicca compositione sive liquida facilis, contra ulcera in umore sita, velut oris, sedis. alvum sistit infusa, feminarum profluvia pota denarii pondere. Eadem adusta siccat scabritias oculorum, e vino maxime.   On l’emploie en couche sous le vermillon, et à le falsifier. En médecine on en fait grand cas. En linéament autour des yeux, elle adoucit les fluxions et les douleurs de ces organes; elle empêche le flux de l’égilops; on l’administre à l’intérieur, dans du vinaigre, contre l’hémoptysie; on la fait boire ausii pour les affections de la rate et des reins, et pour les pertes; on les emploie de même contre les poisons.
         
§ 37. Melinum candidum et ipsum est, optimum in Melo insula. In Samo quod nascitur, eo non utuntur pictores propter nimiam pinguitudinem; accubantes effodiunt ibi inter saxa venam scrutantes. In medicina eundem usum habet quem Eretria creta; praeterea linguam tactu siccat, pilos detrahit smectica vi.   Le melinium est blanc aussi: le meilleur vient de l’île de Mélos. Il s’en trouve aussi à Samos ; mais ce dernier n’est pas utiloisé par les peintres, vu qu’il est trop gras. Ceux qui l’extraient se couchent à terre, pour en chercher les veines entre les pierres. En médecine, il a le même emploi que la craie d’Eretie. De plus, il sèche la langue par son contact ; il fait tomber les poils, il rend les cheveux plus fins.
         
      traduction de Jean-Pierre Croisille, Belles Lettres, 1985,
5 et 5 lignes