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LA QUESTION DU BLANC lien vers polychromie
 
  Joshua Reynolds (1723-1792) consacra le dixième discours qu’il prononça à la « Royal Academy of Arts » de Londres, le 11 décembre 1780, à la sculpture. Pour le président de cette nouvelle institution, il s’agissait de prendre la parole sur une partie de l’enseignement académique sur laquelle il ne s’était jusque-là pas exprimé. À l’occasion Reynolds ne propose pas de théorie originale sur le sujet ; avec énergie, il rejette l’idée que les sculptures antiques aient pu être colorées, donnant une actualité renouvelée à ce contresens historique. Son refus se fonde sur la méfiance antique à l’égard de la mimésis mais également dans une conception éthique de l’esthétique aux accents typiquement britanniques.  
     
Joshua Reynolds (1723-1792)
Dixième discours à la « Royal Academy of Arts »
 
If the producing of a deception is the summit of this art, let us at once give to statues the addition of colour ; which will contribute more towards accomplishing this end, than all those artifices which have been introduced and professedly defended, on no other principle but that of rendering the work more natural. But as colour is universally rejected, every practice liable to the same objection must fall with it. If the business of Sculpture were to administer pleasure to ignorance, or a mere entertainment to the senses, the Venus of Medicis might certainly receive improvement by colour; but the character of Sculpture makes it her duty to afford delight of a very different, and, perhaps, of a higher kind; the delight resulting from the contemplation of perfect beauty : and this, which is in truth an intellectual pleasure, is in many respects incompatible with what is merely addressed to the senses, such as that with which ignorance and levity contemplate elegance of form.

The Sculptor may be safely allowed to practice every means within the power of his art to produce a deception, provided this practice does not interfere with or destroy higher excellencies ; on these conditions he will be forced, however loth, to acknowledge that the boundaries of his art have long been fixed, and that all endeavours will be vain that hope to pass beyond the best works which remain of ancient Sculpture.
  Si la production d’une illusion est le sommet de l’art, alors ajoutons tout de suite des couleurs aux statues ; cela fera plus pour l’illusion que tous les artifices qui ont été inventés ou défendus pour cette seule raison qu’ils rapprochent les œuvres de la nature. Mais comme l’usage de la colour en sculpture est universellement rejeté, toute pratique qui ne se fonde que sur cette raison-là doit être pareillement rejetée. Si l’objet de la sculpture était de plaire à l’ignorance ou de prodiguer de simples plaisirs aux sens, la Vénus de Médicis gagnerait sans doute à être coloriée ; mais le caractère de la sculpture l’oblige à produire un charme très différent, et peut-être, d’un genre plus élevé : à savoir celui qui résulte de la contemplation de la beauté parfaite ; et celui-ci qui est en vérité un plaisir intellectuel, est incompatible avec celui qui s’adresse seulement aux sens, comme lorsque l’ignorance et la légèreté contemplent l’élégance des formes.

Le sculpteur peut être autorisé sans dangers à mettre en œuvre toutes les ressources de son art pour produire l’illusion, pourvu que cette pratique ne gêne ni ne nuise à des perfections plus hautes ; à ces conditions, il se trouvera obligé de reconnaître les limites de son art, qui ont été fixées depuis longtemps et qu’il est vain pour lui d’espérer dépasser l’excellence des sculptures antiques qui nous sont parvenues.
       
      traduction originale I. Baudino
 
  Dans ce passage de son plus célèbre ouvrage sur la couleur, le chimiste M.E.Chevreul s’autorise de ses conclusions scientifiques sur les sensations colorées pour nourrir le débat archéologique, et apporter des arguments aux défenseurs de la polychromie de l’art grec : refusant de l’instrumentaliser au profit de l’architecture, il met en évidence la cohérence et le caractère harmonique de son utilisation.  
         
M.E. Chevreul, 1839.
De la loi des contrastes simultanés des couleurs et de l’assortiment des objets colorés considéré d’après cette loi [...]
   
5ème division, chapitre 2.
De l’emploi des couleurs dans l’architecture grecque

[...] aujourd’hui il est impossible de ne pas admettre que chez ce peuple l’alliance de l’architecture avec les couleurs s’est faite non à une époque de déécadence, mais dans un temps où l’on élevait des monuments du meilleur style [...] Si l’on cherche la cause qui a déterminé l’archite grec à s’emparer d’un des moyens les plus puissants qu’a le peintre de parler aux yeux, on la trouvera surtout, je pense, dans le goût pour les couleurs, plutôt que dans l’intention unique de rendre les diverses parties d’un édifice plus distinctes les unes des autres en les colorant diversement [...] On voit que le rouge, couleur éclatante, dessinait la plupart des grandes lignes ; que le bleu, associé au noir dans les triglyphes et leurs canaux, formait un ensemble harmonieux et distinct des parties voisines ; enfin que la couleur dominante, le jaune clair, produisait un effet bien supérieur à celui qui aurait eu lieu si les couleurs les plus intenses ou les plus sombres eussent prédominé. En définitive, les couleurs étaient réparties de la manière la plus intelligente, pour qu’il y eût, sans bigarrure, variété et lumière dans les teintes, et distinction facile des parties.
         
      Paris, chez Pitois-Levrault et C., 1839
         
J.J.Hittorf, 1851
Restitution du temple d’Empédocle à Sélinonte, ou l’architecture polychrôme chez les Grecs,
   

Avant-propos
(…) Ce n’est pas que les éléments trouvés en Sicile, par mes compagnons de voyage et par moi ne parussent, à beaucoup de savants et d’artistes impartiaux, des preuves suffisantes à l’appui de la polychromie appliquée aux magnifiques édifices de cette riche colonie grecque ; mais quand je voulus en conclure que la coloration constatée sur les monuments siciliens devait être la tradition d’un usage analogue appliqué aux monuments de la Grèce, aussi bien que les formes architectoniques des sanctuaires de Sélinonte (…) sont des traditions des temples d’Egine (…) ; quand enfin je voulus conclure que le complément indispensable de cette coloration était l’emploi de la peinture d’histoire et de mythologie exécutée sur les murs des édifices helléniques, ma conclusion trouva des incrédules, des contradicteurs persévérants, et donna lieu à une longue lutte.
Chapitre III.
(…) J’expliquais la cause du silence de Winckelmann et de ses successeurs, sur l’emploi de la coloration à l’architecture antique, comme résultant de l’absence presque complète de notions sur ce fait chez les auteurs anciens ; et j’attribuais cette absence à la généralité de l’application de la polychromie. Ne présentant, dès lors, rien d’intéressant par sa singularité, on devait ne pas y faire attention.

 

         
      Firmin-Didot, 1851.