Invention de la peinture

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Peinture et ekphrasis

Rome

Du Moyen-Âge à la Renaissance

XVIIIe et XIXe siècles

XXe et XXIe siècles

 

 

 
 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
 
 

 

 

 
 
 
   
                 
 
XVIIIe et XIXe siècles  
   
La révélation archéologique des peintures pariétales et de la polychromie

Les fouilles à Herculanum commencent en 1738, celles de Pompéi dix ans plus tard. Elles donnent lieu à l’édition des Antichità di Ercolano esposte (Naples 1757-92) en huit volumes, dont cinq consacrés à la peinture, qui est publiée progressivement en Angleterre, France, Allemagne, Italie. C’est une révolution : avant la mise au jour des villes campaniennes, on ne connaît en fait aucune peinture marquante : à peine quelques tombes peintes à Rome (Pyramide Cestia, tombe des Nasoni), quelques fragments de fresques (la fresque « Les Noces Aldobrandini », trouvée en 1606 sur l’Esquilin). Ces peintures somptueuses sont immédiatement comparées aux œuvres de la Renaissance ; certains estiment que les figures skiagraphiques sont plus belles que les personnages de Raphaël. Cette révélation fait oublier la Domus Aurea, dont les fouilles ne reprennent qu’en 1772 sous l’égide de l’archéologue écossais Charles Cameron. Celui-ci se souviendra des peintures néroniennes dans le palais qu’il crée à Tsarskoïe Selo pour Catherine II, lançant un style de décoration murale qui se diffuse chez l’aristocratie de toute d’Europe, jusque sur les papiers peints. Une autre publication stimule l'imaginaire des peintres et les débats comparant art ancien et art moderne: Antiquités Étrusques, Grecques et Romaines, tirées du Cabinet de M. William Hamilton, ou les beaux Vases Étrusques, Grecs et Romains, et les Peintures rendues avec les couleurs qui leur sont propres, édition réalisée par H.P.F. d'Hancarville à partir de la recommée collection d'antiques de Lord Hamilton. Enfin, aux XVIIIe et XIXe, le marché des faux de peintures est florissant – mêmeCaylus et Winckelmann se laissent prendre.

Jusqu’au XIXe siècle, on découvre ou fouille majoritairement les vestiges classiques d’Athènes, d’Egine (en 1811), de Bassae (en 1812); des travaux et recherches ont lieu sur l’Acropole tout le long du siècle, sans compter la création de multiples comités d’archéologie et de sociétés philhelléniques. L’Ecole française mène en 1877 des fouilles à Délos qui révèle des maisons richement ornées de peintures et de mosaïques, et les fouilles allemandes de Pergame (débutées en 1878) mettent au jour l’art de l’époque hellénistique. Léon Heuzey, envoyé par Napoléon III en Grèce du Nord en 1861 publie en 1876 un ouvrage capital, La Mission en Macédoine, où il évoque les peintures ornementales des tombes. Les découvertes archéologiques des XVIIIe et XIXe siècle révèlent indubitablement que la peinture avait une très grande place dans le monde grec, qu’elle atteignait la qualité qu’évoque Pline, et aussi que l’architecture grecque était peinte. Dès lors, se forme un débat autour de la peinture antique et notamment autour de la polychromie - débat complexe, international et très sensible : les avis divergent considérablement selon le désir des savants de voir la polychromie se répandre dans l’architecture…contemporaine. On sait, mais on ne veut pas voir cette polychromie; car l’esprit des XVIIIe et XIXe qui a conçu à partir de la blancheur des statues grecques un discours idéalisant et théorique, ne se résout pas à accepter que les Anciens auraient préféré la couleur.

Le débat sur la polychromie

1750-1800. Les premières découvertes sont anglaises, dues à Stuart et Revett, lors d’un séjour entre 1751 et 1753. Ils publient le 1er tome des Antiquities of Athens en 1762, sans mentionner de polychromie. Mais leurs successeurs, comme l’architecte Chandler et les tomes suivants des Antiquities la révèlent : tous trois en 1780 connaissent au moins trois édifices athéniens de la fin du Ve siècle avant J.-C. où ce qui reste des enduits signifie indubitablement que l’on peignait de manière systématique, en tout cas très fréquente, les parties hautes des temples classiques. On retrouve dans les notes de voyage de Fauvel, consul de France qui travaille à Athènes au service de Choiseul-Gouffier dans les années 1780, des éléments qui indiquent clairement que les bas-reliefs du Parthénon, après examen, étaient bel et bien peints : « Les bas-reliefs de ces deux temples (le Parthénon et le Théséion) ont été peints ; chaque objet a eu sa couleur propre : les chairs, les draperies, les fonds; j’ai remarqué des vêtements pourpres, des pileus ou chapeaux peints en vert; le fond de ces bas-reliefs était azur, ce qui ne paraîtrait pas croyable si l’on n’en avait des exemples plus anciens par les bas-reliefs qui ornent les tombeaux égyptiens et même leurs figures en ronde-bosse » (cité par. Billot, 1982). Et Fauvel de se rendre à l’évidence : Pausanias n’avait pas tort de décrire un bas-relief comme un tableau... Si lui-même ne publie que tardivement ses découvertes, Fauvel aura été une sorte de guide de la polychromie, attirant l’attention des érudits étrangers de passage à Athènes sur cet aspect encore méconnu de l’art grec. A. L. Millon, dans son ouvrage paru en 1803, s’en souviendra (« Avant que ce marbre précieux eût été nettoyé, il conservait des traces, non seulement de la couleur encaustique dont, suivant l’usage des Grecs, on enduisaoit la sculpture, mais encore d’une véritable peinture dont quelques parties étaient couvertes : usage qui tient aux procédés de l’enfance de l’art, dont il ne s’était pas encore débarrassé. Le fond étoit bleu ; les cheveux et quelques parties du corps étoient dorés. » (cité par Billot, 1982)

1800-1850. De leur côté, les archéologues anglais Clarke et Dodwell notent dans leurs carnets des observations sur la polychromie : « the statues of the Parthenon of Athens were originally painted and gilded ; and however contrary the practice may seem to our notion of taste, a custom of painting statues… » (Clarke) ; « il vestimento è generalmente verde, turchino, o rosso, che sembrano essere stati i colori favoriti di quella Nazione ». D’autres archéologues anglais les suivent, notamment Gell et Gandy, durant la première décennie du XIXe, attentifs eux aussi aux frises gravées et peintes. Fauvel note que la polychromie existe aussi sur des stèles funéraires, en 1811 - année où, avant les publications de Dodwell et Clarke, le savant suédois Akerblad communique officiellement au monde érudit que les sculptures du Parthénon et du Théséion étaient peintes. L’archéologue anglais Cockerell, qui travaille sur les ruines d’Egine, d’Athènes et de Syracuse relève les mêmes faits en 1812. En 1820, la polychromie de la grande architecture classique athénienne est connue et reconnue au niveau des institutions savantes européennes. Mais les marbres blancs polis des musées (ceux du Parthénon, visibles au British Museum depuis 1807 et acquis par le musée en 1816, ont subi des lavages et des moulages qui ont décapé la couche de peinture), la faible diffusion des ouvrages scientifique ne stimulent guère les esprits à imaginer les œuvres grecques colorées.

Le cas Quatremère de Quincy. Dans Le Jupiter Olympien (1814), Quatremère de Quincy se fait le relais de ces connaissances archéologiques qui viennent « prouver mieux que toute autre chose combien fut général en Grèce l’usage de la sculpture polychrome » ; mais lorsqu’il écrit que « les anciens en effet séparèrent beaucoup moins qu’on ne se le figure, dans leurs travaux, le plaisir des yeux de celui de l’esprit », c’est pour parler de la statuaire faite de marqueterie de pierres, non pas de la statuaire peinte. Il encourage les recherches sur la polychromie de peinture, mais avoue préférer celle des matières, parce qu’il « veut sans doute éviter d’attirer l’attention sur un usage qu’il ne veut à aucun prix voir trop généreusement imité dans l’architecture contemporaine où il ne tolère le pittoresque que dans des limites bien définies » (cité par Billot, 1982)

Le tout-à-la-polychromie. La prise de conscience et la divulgation de la polychromie de l'art grec tombe même dans les excès opposés. On ne veut plus voir de blanc : l’architecture doit être intégralement peinte. Cette attitude se reflète notamment dans les « envois de Rome », les travaux des artistes de l’Académie de de France partis à Athènes, et dans les études mises en dessin et couleur des jeunes archéologues. Ou bien on conçoit que la polychromie est systématique, mais alors on réduit la peinture grecque à un rôle ornemental, de parure destinée à souligner les rythmes architecturaux et que l’on trouve, sans toujours se l’avouer, assez vil. On se console en observant que la nature étant elle-même polychrome, une telle peinture se trouve à l’apogée de la mimesis, là où le blanc est du côté de l’abstraction déviante. On remarque aussi que les sculptures haut placées sur les édifices sont, en étant coloriées, beaucoup mieux visibles. D’autres sont solidement convertis : « le goût de la sculpture polychrome est irréprochable en lui-même (…). A toutes les époques de l’Antiquité, les mots de sculpture non colorée ou non terminée ont dû être synonymes. » (Charles Lenormant, 1830).

Hittorf. Enfin, signalons le rôle important d'Hittorf, jeune architecte allemand travaillant en France, qui publie en 1830 De l’architecture polychrome chez les Grecs. Il y emboîte le pas de Quatremère de Quincy en insistant sur le fait que la polychromie incluait aussi les peintures pariétales extérieures et intérieures, ornementales ou narratives. Or, si on apprécie à l’époque les décorations des moulures et des frises dans les parties supérieures des édifices, les décorations à hauteur de regard sont plus difficiles à admettre. Hittorf se fait rappeler à l’ordre. On l’accuse de systématiser la vogue de la polychromie grecque et de ne pas être conscient des dangers que cela représente pour l’architecture contemporaine, en excipant d’une lecture erronée de Pline, selon laquelle la grande peinture ne se trouve que du côté de la peinture sur panneaux de bois, mobiles et suspendus aux parois des édifices publics. Cet argument discrédite donc du même coup à la fois la peinture en tant que polychromie décorative, appliquée sur l’architecture, et en tant que peinture murale, ce qui contribue au mépris des œuvres de Pompéi ou Herculanum.

Science et musées

C’est à cette époque que l’on commence à convoquer les analyses chimiques afin de vérifier ce que les archéologues et architectes observent à l’œil nu et de trancher les débats sur les pigments, les liants utilisés, les supports, la date des enduits, les techniques. Ainsi, les chimistes W. Semper (frère de l’architecte G. Semper) et M. Faraday analysent des échantillons provenant du Théséion d’Athènes. Ces recherches scientifiques sont foisonnantes, à la fois pratiques et théoriques, et déjà Hittorf les présente extensivement. Le British Museum notamment les encourage. Enfin, l’institution muséale vient consacrer la polychromie : en 1816, la Glyptothek de Munich, édifiée exprès pour exposer les frontons d’Egine, montre les marbres entièrement restaurés selon les nouveaux apports scientifiques : dans une polychromie totale. On trouve cependant ce coloriage lourd, indécent, excessif… L’ouvrage de Beulé, L’Acropole d’Athènes, vient conclure ce siècle de controverses en entérinant la polychromie de l’architecture grecque, qu’elle soit « coloriage » d’éléments architectoniques ou scénographie figurative. En 1855, le fait de la polychromie est devenu incontestable et son application est définie dans toutes ses variations.

La résistance du blanc

Les archéologues ramènent des vestiges architectoniques et statuaires des fouilles grecques, qui couvrent bientôt l’Europe d’un blanc manteau de musées ou départements d’art antique : à Londres au British Museum, où Lord Elgin expose les vestiges du Parthénon d’Athènes dès 1807, au Kunsthistorische Museum de Vienne, à Berlin, à Paris. Blanc en effet, car ces statues, métopes, tympans sont immaculées : elles ont perdu leur primitive peinture, mais les publics ignorent tout de cette perte. Elles construisent donc l’image d’une Grèce depuis toujours sans couleur : tuniques blanches, visages purs, yeux vides. Winckelmann défend dans ses Réflexions sur l’imitation des œuvres grecques et peinture et sculpture l’idée que le blanc est la couleur de l’idéal puisqu’il réfléchit le plus de lumière. Il évoque certes le cas des figurines en terre cuite colorées, des acrotères peints, et même de statues de marbre coloriées par endroits (notamment une Diane haute en couleurs à peine sortie des fouilles d’Herculanum). Mais pour lui, la polychromie chez les Grecs se résume, dans l’histoire de l’art de l’Antiquité, à une « coutume barbare », quasi incompréhensible : une impasse. Le comte de Caylus, von Herder, Lessing, Hegel soutiennent de même cette anti-polychromie, attitude qui tient à la fois à la volonté de séparer strictement sculpture et peinture et à un culte du blanc en tant que facteur de spiritualité, vœu de transfiguration du physique caractéristique du romantisme ; les peintres représentent d’ailleurs les objets et figures de rêves dans une blancheur rayonnante (Ingres, Girodet).

Les artistes néoclassiques des XVIIIe et XIXe eux-mêmes ne cessent d’appliquer le principe de la blancheur à leurs statues et leurs édifices (« La blancheur des marbres classicisants est admise dans la ville du XVIIIe siècle comme un principe d’archéologie historique et sociale pour ennoblir les édifices et le mobilier publics et privés », Brusatin, 1986). Les créations (blanches) de Canova inspireront toute une génération de sculpteurs, dont le « Greek Revival » en Angleterre, en vigueur à la Royal Academy durant les premières décennies du XIXe (autour de Reynolds et de Flaxman, mais aussi Joseph Nollekens et Thomas Banks) et en Italie Bartolini et Tenerani. Cette ignorance de la polychromie s’explique également par le culte du dessin c'est-à-dire de la forme, mâles et rationnels, contre la couleur, superfétatoire et féminine. Dans les mots de Quatremère de Quincy qui ont aussi été ceux de Winckelmann, de Goethe et de Hegel, l’architecture et la sculpture, arts de la forme, n’ont pas besoin de rehauts pittoresques de peinture. La couleur peut participer de la beauté mais elle n’est pas la beauté elle-même, elle est un ornement, un parergon qui dévalorise. Il est frappant à cet égard de voir combien à chaque fois que les archéologues écrivent sur le goût constaté des couleurs chez les Grecs, leur plume précise : « contrairement à ce qu’on peut croire… » En somme, un certain regard, tissé d’un fantasme de pureté originelle dans une société de plus en plus industrialisée et bourgeoise, empêche littéralement de voir ou de croire à la réalité polychrome de l’art grec.

La création artistique prend acte de la polychromie

Des artistes tentent de rendre compte des découvertes archéologiques dans des œuvres qui tiennent d’abord de la restitution. Ingres (Antiochus et Stratonice, 1840) et Gustave Boulanger (Répétition du joueur de flûte et de la femme de Diomède chez le prince Napoléon dans l’atrium de sa maison pompéienne, 1860) par exemple, peignent leurs personnages antiques dans des décors architectoniques aux couleurs criardes, et Alma Tadema représente (en 1868) Phidias enduisant de couleurs vives les reliefs du Parthénon. Charles Garnier ou encore Pierre-Charles Simart commettent des restitutions éclatantes de couleur du temple de Jupiter à Egine ou de l’Athéna Parthenos (respectivement en 1852 et en 1855). La critique accueille l’Athéna, statue destinée au Château de Ferrières du duc de Luynes, auparavant montrée à l’Exposition Universelle de 1855, en déclarant qu’elle a davantage sa place « à la section des produits de l’industrie » (cité par Papet, 2004) (jolie manière, d’ailleurs, de montrer, en creux, l’alliance à l’époque entre couleurs d’une part – réflexions sur le chromatisme d’un Chevreul, par exemple, et inventions de nouveaux pigments – et industrie d’autre part).
). La publication des Antiquités de Lord Hamilton joue un rôle considérable dans la diffusion des motifs grecs peints; les images reproduites sont issues de vases grecs, origine (support en volume, rapport avec l'objet lui-même) que l'on annule en "aplatissant" l'image dans une traduction qui la transforme en fresque ou peinture de chevalet . Les peintres "archéologues" de la fin du XVIIIe et du début du XIXe puisent abondamment dans ce corpus, en le restituant de plus ou moins près. Quelques uns s'essaient à la peinture à l'encaustique, comme Vien (avec une Petite Minerve casquée, réalisée en 1755 selon les directives du comte de Caylus). D'autres (et Vien lui-même avec, par exemple, La Marchande d'Amour, 1763), tels Ingres (Tu Marcellus Eris, 1819), ou Gustave Boulanger (Ulysse reconnu par sa nourrice, 1849) préfèrent créer un rendu encaustique, dans des tons un peu "passés", mats, autour de roses, gris, ocres, respectant en cela les descriptions de Füssli. Un cas plus étonnant de réinvention de la peinture antique est l'oeuvre d'Alma Tadema et de Jean-Léon Gérôme, qui s'attachent à représenter sinon le faire même de la peinture antique (pour le second), voire la peinture antique en tant qu'elle nous échappe, en tant qu'elle nous est spectrale (pour le premier). En effet, la Picture Gallery (1874) d'Alma Tadema met en scène deux personnages qui regardent un tableau sur chevalet. Ils sont tournés obliquement vers nous; nous ne voyons donc que le dos de la toile. Or, derrière la toile, est inscrit: "Apelle". A cette mise en image de l'ineffabilité du grand peintre grec, s'ajoutent des citations érudites pointues dans les tableaux exposés dans le reste de la pièce, qui sont autant de transcriptions de fresques et de vases peints. Gérôme peint de la même manière, non pas des sujets d'histoire ou de mythologie antiques, mais des "atmosphères" antiques, avec un goût pour la représentation dans le tableau même d'oeuvres d'art grecques. Ainsi, la Sculpture et atelier de tanagras (1893), montre la mise en couleurs (d'ailleurs archéologiquement fausse) des figurines de terre cuite, tout comme Pottery Painting (1871) d'Alma Tadema montrait une femme plus esthète qu'artisane, et moins grecque qu'anglaise fin-de-siècle, admirant son oeuvre polychrome.
Le sculpteur David d’Angers écrit en 1838 : « Si les réalistes dominaient, ils auraient encore un pas à faire, ce serait de colorier les statues. » Et pourtant : le sculpteur Charles Cordier expose dès 1853 des œuvres dont la polychromie repose d’abord sur des matériaux et des traitements différents (marbres, onyx, bronze, patines, émaillages) puis, également, sur de la peinture. Dans les termes de la critique de l’époque, c’est une polychromie naturelle que celle des matériaux (« polylithisme »), et artificielle que celle de la peinture. Cette polychromie artificielle a ses adeptes en France: Cailloué expose une Médée peinte au Salon de 1857 – que Nadar s’empresse de railler –, et Clésinger trois statues peintes au Salon de 1859. Le public et la critique les reçoivent plutôt mal, cependant l’auctoritas romaine, visible au Louvre à l’époque sous la forme d’un Vieux pêcheur dit Sénèque mourant, copie romaine polylithique d’après un original hellénistique, joue en la faveur de cette nouvelle sculpture (on estime cependant que ces sculptures romaines polychromes sont la marque de la décadence de l’art romain…). En Angleterre, John Gibson sculpte une Tinted Venus, dont les cheveux, les yeux, les lèvres et les pointes des seins sont scandaleusement teintés (elle déroute le public à l’Exposition Universelle de 1862).

Quant à l’inconnue peinture de chevalet antique, elle est toujours aussi glorifiée : Apelle demeure en effet le paradigme du Peintre, à preuve l’Apothéose d’Homère d’Ingres (1827-1865).