Invention de la peinture

Chronologie

Carte

 

 

 

 
   

Peinture et ekphrasis

Rome

Du Moyen-Âge à la Renaissance

XVIIIe et XIXe siècles

XXe et XXIe siècles

 

 

 
 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
 
 

 

 

 
 
 
   
                 
 
Peinture et ekphrasis  
   
L’histoire de l'art grec antique est une longue chaîne de survivances, de réutilisations, d’oublis et de résurgences au gré des modes, des esthétiques, et des découvertes archéologiques. La peinture grecque occupe une place singulière dans l’histoire de cette « fortune » polymorphe; très longtemps en effet, l’altération ou la disparition matérielle des œuvres a maintenu la peinture antique dans le champ de l’ekphrasis, dans celui de l’imitation - celle des œuvres d’art qui se réclament du modèle grec, et condamné l'archéologie à formuler des hypothèses invérifiables. Ainsi, la peinture grecque a-t-elle été au cours des siècles littéralement « inventée » par un réseau de discours et de créations, qui renseignent parfois davantage sur l’époque qui les a produits, que sur la peinture antique elle-même.
Cependant, ce caractère « recréé », et notamment « réécrit » de la peinture antique tient aussi à sa nature spécifique. En effet la peinture, dans le système esthétique grec, se pense comme mimesis : sa perfection réside dans sa ressemblance, sa vraisemblance, sa précision, sa force d’illusion. Or, plus la peinture est mimétique, plus elle se doit d’être descriptible; entremêlée de discours, elle provoque, elle invite à la description : l’ekphrasis se trouve au cœur même de la peinture, la capacité d'une oeuvre picturale à générer un grand nombre de textes devenant même un critère de réussite.
Dans cette perspective « instrumentale » de la peinture (Gombrich) (puisqu'il s'agit de développer des techniques susceptibles d'améliorer la performance illusionniste, en vue d’un "progrès "- point de vue qui a prévalu jusqu’au XIXe siècle), dès l'Antiquité, l'histoire de l'art est guidée par la description de modèles. A partir du Moyen-âge, comme ces modèles picturaux sont antiques, et les œuvres ayant matériellement disparu, elle repose sur la réécriture de son histoire et de ses ancêtres(1) : paradoxe d’une histoire qui se réclame en même temps de l’imitation de la Nature, et de celle de modèles artistiques. L’histoire de la peinture antique serait donc une histoire rêvée et/ou instrumentalisée, un corpus de textes et d’œuvres d’imitation : « vouloir reconstituer ce que fut la peinture ancienne, c’est un peu tenter de saisir l’insaisissable », écrit Agnès Rouveret. Ou, en d’autres mots : c’est saisir une histoire de l’esthétique de Rome au XXIe siècle. Des fouilles récentes, cependant, commencent à nous révéler ce qu’étaient dans leur réalité physique les œuvres picturales antiques; elles rendent désormais possible la confrontation entre oeuvres originales, œuvres "néo-grecques", et textes ekphrastiques et critiques.
 
(1).Remarquons toutefois que réinventer la peinture antique, se réapproprier ses hauts faits, ses personnalités marquantes (Apelle au premier titre) et les « progrès » que firent ses imitateurs, c’est aussi prononcer les lettres de noblesse de la peinture, en tant que discipline qui a une histoire, des exempla et des maîtres. Ce sera l’entreprise de la Renaissance : réécrire l’histoire de la peinture à partir de la peinture antique pour mieux stimuler la peinture contemporaine.