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SYNESTHESIE
     
Platon (429-347),
République 616b-617d
         
En construction
         
Aristote (384-322)
De Anima, II,6,418a

 
     

  § 1- Parlons d’abord pour chaque sens des objets sensibles. Objet sensible peut s’entendre de trois façons : deux où nous disons sentir en soi, et une où nous le disons par accident. Des deux premières acceptions, l’une signifie ce qui est propre à chaque sens, et l’autre, ce qui est commun à tous. J’appelle propre ce qui ne peut pas être senti par un autre sens, et ce sur quoi le sens ne peut se tromper ; et, par exemple, la vue s’applique à la couleur, l’ouïe au son, et le goût à la saveur. Le toucher a encore bien plus de différentes nuances ; mais chaque sens discerne ce qui lui est propre, et ne se trompe ni sur la couleur, ni sur le son, mais il connaît ce qu’est l’objet coloré et où il est, ou bien ce qu’est l’objet sonore et où il est. C’est là ce que j’appelle l’objet propre à chaque sens. Mais il y a ce qui est commun pour tous, c’est le mouvement, le repos, le nombre, la figure, la grandeur ; car tout cela n’appartient en propre à aucun sens : ce sont des objets communs à tous ; et ainsi il y a un certain mouvement qui est sensible et au toucher et à la vue.
Chap 7
[...] §4. C’est une chose incolore qui reçoit la couleur ; c’est une chose insonore qui reçoit le son.
§ 7. On a vu pourquoi il est nécessaire que la couleur soit vue dans la lumière […] §8. Même raisonnement pour le son et pour l’odeur ; car aucune de ces choses n’a besoin de toucher l’organe pour toucher la sensation, mais le milieu est mis en mouvement par le son et par l’odeur.
Chap 8
§ 4- l’écho… il n’est pas toujours clair et perceptible, parce qu’il en arrive du son comme de la lumière.
         
      Traduction de J.Barthélémy de Saint Hilaire,
Paris, librairie philosophique de Ladrange, 1846
         
Aristote,
De anima, III,1, 425a-b
         
 
 
Lucrèce
De la Nature
, Livre IV, extraits.
 
[…] C’est là un fait merveilleux : il te force à reconnaître, je le répète, l’existence de corps qui viennent frapper nos yeux, assaillir notre vue, s’écoulant des objets par une continuelle émanation ; comme le froid des fleuves, la chaleur du soleil, comme des flots cette poussière humide qui ronge les murailles sur les rivages. Les sons cependant ne cessent de voler à travers les airs ; à notre bouche humectée arrive une saveur saline quand nous sommes près de la mer ; si, devant nous, on broie de l’absinthe, son âpreté nous touche. Ainsi des objets de toutes sortes va s’écoulant quelque chose qui se dissipe en tous sens ; et point de relâche, point de terme à cet écoulement, puisque perpétuellement nous sentons, que toujours peuvent s’exercer en nous la vue, l’odorat, l’ouïe.
       
      Traduction M.Patin, Hachette 1876
       
  Le chimiste Chevreul, lui, s’il se doit d’émettre un jugement sur la question synesthésique dans son traité majeur sur la couleur, refuse toutefois d’apporter sa voix au concert qui célèbre, au début du siècle, les analogies systématiques entre les sons et les couleurs  
       
M.E. Chevreul. 1839
De la loi des contrastes simultanés des couleurs et de l’assortiment des objets colorés considéré d’après cette loi [...]
   
Aperçu historique et conclusion de l’ouvrage :
Comparaison des sons et des couleurs

L’ouïe est le sens qui passe pour avoir le plus de rapport avec la vue [...] Quoique je ne méconnaisse pas les rapports des couleurs avec les sons [...] j’avoue que je n’aperçois pas ces rapports intimes que plusieurs auteurs, particulièrement le Père Castel, ont dit avoir aperçus [...] la différence spéciale des sons et des couleurs me frappe plus que leur ressemblance générique. [...]
La succession est particulièrement essentielle au plaisir des sons musicaux et à la compréhension des significations des sons du langage, comme la simultanéité dans les couleurs, qui exige quelque temps pour être sentie, est essentielle que nous recevons par l’intermédiaire de la vue.
       
      Paris, chez Pitois-Levrault et C., 1839
       
  « L’art du coloriste tient évidemment par de certains côtés aux mathématiques et à la musique », lit-on dans le Salon de 1859. Baudelaire avait lu Chevreul, lorsque déjà, dans le Salon de 1846, il écrivait que « la bonne manière de savoir si un tableau est mélodieux est de le regarder d’assez loin pour n’en comprendre ni le sujet ni les lignes » - propos prémonitoire, qui dit assez les liens étroits qui unissent, au XIXe siècle, la nouvelle science de la couleur, la réflexion synesthésique, et la disparition du sujet en peinture.  
 
Baudelaire,
Salon de 1846
   
III. De la couleur.
[…] Cette grande symphonie du jour, qui est l’éternelle variation de la symphonie d’hier, cette succession de mélodies, où la variété sort toujours de l’infini, cet hymne compliqué s’appelle la couleur.
On trouve dans la couleur l’harmonie, la mélodie et le contrepoint. […]
La couleur est donc l’accord de deux tons. Le ton chaud et le ton froid, dans l’opposition desquels consiste toute la théorie, ne peuvent se définir d’une manière absolue : ils n’exitent que relativement. […]
Les affinités chimiques sont la raison pour laquelle la nature ne peut pas commettre de faute dans l’arrangement de ces tons ; car pour elle, forme et couleur sont un.
Le vrai coloriste ne peut pas en commettre non plus ; et tout lui est permis, parce qu’il connaît de naissance la gamme des tons, les résultats des mélanges, et toute la science du contrepoint, et qu’il peut ainsi faire une harmonie de vingt rouges différents. […]
L’harmonie est la base de la théorie des couleurs.