fenêtre, 1978
50 x 65 cm. Fragments de fenêtre,
verre étiré bleu.
Collection Jean Fournier.
Photographie, J. Hyde
 
         
  Fenêtre  
       

- Re-bleu.
- C'est amusant, tu remarques que toutes les "périodes" ou procédures de Buraglio se répondent, que sous leur aspect disparate elles s'enchaînent et se recoupent de manière assez logique?
- Oui. On comprend bien que Buraglio n'aurait pas pu faire ses fenêtres s'il n'avait auparavant déjà fait les châssis et les gauloises...
- En effet, les fenêtres reprennent l'interrogation sur le support, tout en posant aussi la question de la couleur, de la matérialité de la couleur.
- Et le tout en introduisant un événement nouveau, quoique traité de manière paradoxale: l'ouverture.
- Oui une fenêtre c'est ce à travers quoi l'on peut regarder pour percevoir l'extérieur.
- Mais chez Buraglio, on ne voit pas ce qu'il y a à l'extérieur de la fenêtre. On voit d'abord la fenêtre, sa grosse structure en bois, l'opacité de son verre bleu.
- C'est drôle, ça me fait penser..
- A...
- Tu vas encore me traiter de foutu idéaliste, mais je peux pas m'empêcher de penser à Klein.
- Bah voyons! En plus, tu sais que les deux bonhommes ne s'aimaient guère...
- Justement! Il me semble que ces fenêtres, c'est un peu comme un pied de nez aux prétentions idéalistes du monochrome IKB. Le bleu, pur espace d'immersion, pure couleur immatérielle, ramené à la rugueuse réalité par un bon gros cadre en bois bien mastoc.
- Comme pour dire que la peinture, c'est d'abord ça, de la matière.
- Voilà.
- Dites, tous les deux, je vous entends parler de fenêtre – vous ne croyez pas que celle-ci nous parle aussi, forcément, d’Alberti ?
- Il ne manquait plus qu’une troisième voix… Voulez-vous vous joindre à nous ? Ne partez pas si vite ! Revenez !
- Laisse… Cette voix saura toujours se faire entendre. C’est vrai que tu allais un peu vite en besogne, mon cher. Je suis ravi qu’on ait osé venir t’interrompre. Tu divagues. Evidemment il faut que tu penses à Klein quand évidemment moi et tout le monde pensons à Alberti.
- C’est fatal.
- Je cite de mémoire : « Je parlerai donc, en omettant toute autre chose, de ce que je fais lorsque je peins. Je trace d’abord sur la surface à peindre un quadrilatère de la grandeur que je veux, fait d’angles droits, et qui est pour moi une fenêtre ouverte par laquelle on puisse regarder l’histoire », De la Peinture, 1421. Médite ! La fenêtre, c’est toute l’histoire de l’art occidental, dans son projet illusionniste : la peinture qui troue le mur…
- Et celle-là ne s’ouvre pas. « Circulez, y-a (plus) rien à voir », cette fois-ci.
- Plus de cette façon, en tout cas.