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Tétrachromie / mélanges ? |
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La théorie de Pline selon laquelle
les plus grands peintres grecs étaient tétrachromistes
a longtemps fait croire que les Grecs n’utilisaient qu’une
palette limitée à quatre pigments ou colores austeri.
Or les analyses scientifiques de la composition des oeuvres de la collection
du Louvre démontrent amplement que cette palette était
beaucoup plus riche. Cependant, même si l’on maintient
l’hypothèse que les peintres se limitaient à leurs
quatre pigments de base, les mélanges offraient de très
nombreuses possibilités de variations chromatiques. Ces mélanges étaient
perçus de diverses manières. Si Empédocle y voit
une image du mélange des quatre éléments naturels
et donc un idéal d’harmonie, Plutarque, lui, considère
que tout mélange mène à la putréfaction.
Cette question de la destruction, voire de la confusion est en partie
liée au fait que le phénomène du mélange
est perçu comme irréversible : en mélangeant deux
ou plusieurs couleurs sur la palette, on s’expose au risque de
ne plus retrouver la couleur d¹origine. Pour Platon, toutes les
couleurs sont issues de mélanges et tout mélange est
dangereux, parce que potentiellement incontrôlable : " Pourtant
si l’on voulait contrôler tout cela par l’expérience,
c’est qu’on méconnaîtrait la différence
de la nature humaine et de la divine. Car seul un Dieu sait bien comme
on peut mêler en un même tout, pour les dissocier ensuite,
des éléments divers, et seul il est aussi capable de
le faire. Mais nul homme n’est actuellement capable de faire
ni l’un ni l’autre, ni sans doute, ne le sera jamais à l’avenir " (Timée,
68d anthologie). Ainsi, plutôt que de se faire nécessairement
sur la palette, le mélange pouvait se produire sur le tableau
lui même, et ce de différentes manières : que ce
soit grâce à des superpositions de couches colorées
ou par la juxtaposition de touches de couleur entraînant un mélange
optique au niveau de la rétine (un phénomène théorisé par
Ptolémée et utilisé aussi en mosaïque à la
même époque ou beaucoup plus tard, au 19ème siècle,
par les pointillistes) ou encore grâce à l’emploi
de certaines techniques spécifiques comme l’encaustique
ou l’atramentum rehaussant
la luminosité de certaines
couleurs à la manière d’un glacis ou d’un
vernis. Selon Gage, cette incertitude esthétique et philosophique
quant à la question des mélanges chromatiques chez les
Anciens explique en partie le développement tardif de la théorie
des couleurs primaires. |
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