La pratique en jeu ici n’a
rien à voir avec le « grand art » des tombeaux
macédoniens. Il s’agit d’un artisanat de série,
modeste. Sur un support calcaire, une légère préparation
sert de base à une superposition de couches de couleurs. Il
existe parfois un dessin préparatoire plus précis et
exact, exécuté au noir de charbon avec un pinceau très
fin, qui renforce l’effet de clair-obscur et trouve un parallèle
dans les stèles contemporaines de Volos. Cependant, Agnès
Rouveret note bien que si l’on retrouve sur ces stèles
et loculi « une situation assez comparable à celle des
peintures de Volo, (…) [la] qualité d’exécution
[est] souvent inférieure. On ne peut utiliser ces stèles
pour analyser les tendances profondes de l’art alexandrin. » (2004)
Pigments
La spécificité de la palette utilisée pour ces
peintures est d’employer à la fois des pigments classiques
et des pigments inédits.La peinture de ces stèles, du point de vue des pigments, fait
appel au blanc de plomb (ou céruse) qui est, dans la peinture
antique, appliqué soit en sous-couche soit en mélange
sur la palette. Or, sur les stèles alexandrines, le blanc de
plomb est employé comme couche de préparation mélangé à un
pigment jusque là jamais identifié, la célestine,
de couleur blanche. C’est un mélange très réfléchissant.
On remarque également la présence de pigments rares et/ou
précieux comme l’orpiment (jaune vif) et le cinabre (rouge
vif) que l’on utilisait en Egypte. Il semblerait que l’on
emploie pour une même couleur des différents pigments
en fonction de l’importance de l’objet représenté :
par exemple, du cinabre, plus précieux, pour le bandeau du personnage
principal, et de l’hématite, plus commune, pour un fronton.
Quant aux fonds, ils sont colorés : en bleu (composé de
bleu égyptien et de blanc, par exemple dans la stèle
du Soldat macédonien avec porteur de lance) ; en ocre ; en orange
vif (avec de la vanadinite, qui est désormais altérée
en noir) ; ou en en vert (mélange mimétite et bleu égyptien).
Ils permettent un contraste avec les personnages, soit parce que le
fond est clair et que les figures se détachent mieux, soit parce
que les couleurs du fond et des personnages s’opposent.
En somme, les stèles alexandrines exemplifient ce que Pétrone
appelait l’ « audacia » propre aux Alexandrins. De
l’orpiment de la chlamyde et des bottines du Macédonien
de la stèle Ma 3632 au roux des cheveux du Galate de la stèle
Ma 3635 en passant par le bleu du chiton que porte la petite fille
de la stèle sculptée Ma 4203, les teintes sont vives,
les contrastes inattendus et forts, bien éloignés de
la tétrachromie chantée par Pline.
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