La représentation du mort
sur la tombe est primordiale : elle l’accompagnera dans l’au-delà mais
aussi perpétue son image pour les vivants : c’est un
mémorial, un mnema ou mnemeion. Elle mentionne parfois le
nom et l’illustration sociale, les qualités du défunt.
On inscrit le nom du défunt afin qu’il soit prononcé,
répété ; cela assure la vie post-mortem du défunt.
TENDANCES A ALEXANDRIE
A. Rouveret (1989) distingue 2 courants essentiels dans les motifs
représentés sur les stèles alexandrines :
1) la reproduction de fausses portes ou de grilles ouvertes sur l’extérieur,
qui présentent de fortes analogies avec certaines peintures
funéraires tarentines, et constituent un trait d’union
avec les systèmes décoratifs des maisons romaines de
la fin de la République
2) l’adaptation des schémas canoniques de la tradition
attique de l’époque classique, repris pour fixer iconographiquement
l’identité du défunt, souvent des mercenaires
et des membres de leur famille. On représente des soldats à cheval
(selon le schéma figé et très prestigieux d’Alexandre)
ou avec leurs armes distinctives « tandis que les personnages
debout de trois quarts, appuyés sur leur lance, reprennent
sous une forme banalisée l’image du défunt héroïsé sur
la façade de la tombe de Lefkadia. »
UN LANGAGE ICONOGRAPHIQUE UNIFIE
Le corpus du Louvre n’offre que des exemples de la seconde
tendance, et notamment des exemples de tombes de soldats étrangers,
mercenaires au service des Lagides enterrés à Alexandrie.
Ces individus, selon le témoignage de Polybe (Strabon XVII), « pesants,
très nombreux et indisciplinés [...], encouragés
par la nullité des rois avaient fini par apprendre à commander
plutôt qu’à obéir et [...] formaient
avec les Egyptiens et les Alexandrins le dernier tiers de la cité. » (cité par
AR, Il est intéressant de noter que l’ensevelissement
signifie qu’ils s’étaient bien implantés
dans la région, acculturés. C’est le reflet de
ce à quoi avait abouti la politique des Lagides, qui avait
consisté à offrir des terres aux mercenaires afin de
les fidéliser. Le résultat fut en fait leur sédentarisation
dans la région d’Alexandrie et leur abandon progressif
du métier d’armes. Or, leurs stèles allient une
accentuation de leurs caractères nationaux propres et un langage
iconographique commun au monde grec. Agnès Rouveret (1998)
le souligne bien : « Ces soldats de toutes origines trouvent
dans des images stéréotypées du patrimoine figuratif
grec (le plus souvent dérivé de l’art figuratif
attique) un point d’union et de reconnaissance ». Et
encore : « Les peintures d’Alexandrie, le fruit d’un
artisanat artistique souvent de bonne qualité et marqué par
l’usage étendu d’une polychromie intense et lumineuse,
offrent un témoignage concret de la large diffusion d’un
patrimoine figuratif reproduit schématiquement ; mais réduites à quelques
traits essentiels, les images sont immédiatement parlantes
grâce à l’adjonction de quelques détails
significatifs parmi lesquels la tenue et les armes qui concourent,
ainsi que les inscriptions, à préciser l’origine
ethnique du mort. » (2002)
MERCENAIRES MACEDONIENS ET GALATES
- On reconnaît donc dans le corpus des stèles de Macédoniens
(de semblables stèles de Macédoniens expatriés
se retrouvent à Chypre, en Syrie et à Sidon). La stèle
Ma 3632 est à ce titre emblématique, puisqu’elle
accumule les attributs typiques du Macédonien : kausia, chlamyde à bouts
ronds, sarisse (lance), accessoires que l’on retrouve intacts
sur des stèles de soldats en Macédoine même (Volos).
Heuzey avait déjà souligné les singularités
du costume macédonien : La kausia, sorte de large chapeau
bombé, était la coiffure nationale des Macédoniens;
Plaute la comparait à un champignon (Trinummus, IV). Si particulier à la
Macédoine d’ailleurs, que les rois en avaient fait leur
emblème avec le diadème, insigne de leur pouvoir…
- Mais aussi des stèles de mercenaires galates. Par exemple, la stèle
Ma 3635 représente un soldat gaulois reconnaissable à son bouclier
et à ses cheveux roux. « Dans le cas particulier des mercenaires
galates, il est très intéressant de souligner leur souci d’intégration
dans les codes de représentation du monde grec, alors que l’art
hellénistique à Alexandrie, et plus encore à Pergame,
forge parallèlement une image du Gaulois comme signe de l’altérité et
du Barbare. » (Rouveret, 1998)
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