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PROCEDES, INSTRUMENTS
  Les Anciens connaissaient différents types de peinture, dont le choix était plus ou moins déterminé en fonction des supports et des genres - en particulier la détrempe, et la peinture à l’encaustique.  
         
Pline
Histoire Naturelle, Livre XXXV, extrait
         
§ 122. Ceris pingere ac picturam inurere quis primus excogitaverit, non constat. quidam Aristidis inventum putant, postea consummatum a Praxitele; sed aliquanto vetustiores encaustae picturae exstitere, ut Polygnoti et Nicanoris, Mnesilai Pariorum. Elasippus quoque Aeginae
picturae suae inscripsit « enekaen », quod profecto non fecisset nisi encaustica inventa.

  Qui eut le premier l’idée de peindre avec de la cire et à l’encaustique ? On n’en tombe pas d’accord. D’aucuns en attribuent l’invention à Aristeidès, invention que Praxitèle aurait perfectionnée. Mais des peintures à l’encaustique un peu plus anciennes nous sont parvenues, telles celles de Polygnote et des Pariens Nikanor et Mnasilaos [Ve s.]. Elasippos aussi, sur son tableau à Egine, inscrivit : « a brûlé », ce qu’il n’aurait certainement pas fait si l’encaustique n’eût été inventée.
     
§149. Encausto pingendi duo fuere antiquitus genera, cera et in ebore cestro, id est v<e>riculo, donec classes pingi coepere. Hoc tertium accessit resolutis igni ceris penicillo utendi, quae pictura navibus nec sole nec sale ventisve corrumpitur.

  Il y eut anciennement deux manières de peindre à l’encaustique : sur la cire et sur l’ivoire avec le cestre, c’est-à-dire un petit poinçon. Il en fut ainsi jusqu’à ce qu’on ait commencé à peindre les vaissaux de guerre ; pour cela une troisième méthode fut ajoutée aux précédentes ; elle consiste à étendre au pinceau les cires fondues au feu, sorte de peinture qui, sur les navires, ne s’altère ni par le soleil, ni par l’eau salée, ni par les vents.
       
      traduction d’A.Reinach, La peinture ancienne, 1921; Macula 1985
       
  Adolphe Reinach explique que l’encaustique fut peu utilisée pour les peintures murales, car « les couleurs qui se préparent le mieux avec la cire ne supportent pas l’humidité de la fresque ; on ne peut les appliquer qu’à la détrempe ».  
 
Pline,
Histoire Naturelle, livre XXXV, §49
     
§ 49. Ex omnibus coloribus cretulam amant udoque inlini recusant purpurissum, Indicum, caeruleum, Melinum, auripigmentum, Appianum, cerussa. Cerae tinguntur isdem his coloribus ad eas picturas, quae inuruntur, alieno parietibus genere, sed classibus familiari, iam vero et onerariis navibus…

  Sur l’ensemble des couleurs, celles qui aiment un enduit à la craie et qui refusent de prendre sur un enduit humide sont le purpurissum, l’indigo, le bleu d’azur, le blanc de Mélos, l’orpiment, le vert appien, la céruse. Avec ces mêmes couleurs les cires peuvent se teindre pour la peinture encaustique, par un procédé qu’on ne peut appliquer sur les parois, mais qui est très commun aux vaisseaux de guerre et, même, à présent, aux bâtiments de transport…
       
      traduction d’A.Reinach, La peinture ancienne, 1921; Macula 1985
 
 

Pour la détrempe, les couleurs devaient être délayées avec de l’eau et un liant, qui peut être de différentes natures :

 
 
Pline,
Histoire Naturelle, livre XXXV, §45, 56, 236
 
§ 45. Pingentes sandyce sublita, mox ovo inducentes purpurissum, fulgorem minii faciunt. Si purpura<e> facere malunt, caeruleum sublinunt, mox purpurissum ex ovo inducunt.

§ 56 (Chia terra) lacte diluta, et tectoriorum albaria interpolantur.

§ 236 Glutinum praestantissimum fit ex auribus taurorum et genitalibus...
  Ceux qui peignent, en mettant sur une couche de sandyx (couleur de feu) du purpurissum (carmin violacé) avec de l’œuf, obtiennent l’éclat du vermillon ; s’ils veulent faire de la pourpre, ils mettent sur une couche de bleu du purpurissum avec de l’œuf.

La terre de Chios, délayée dans le lait, est employée à reblanchir les murailles.

La meilleure glu se fait avec les oreilles et les parties génitales des taureaux…
 
      traduction d’A.Reinach, La peinture ancienne, 1921; Macula 1985
 
 

Les Anciens connaissaient également l’usage de vernis :

 
 
Pline,
Histoire naturelle, Livre XXXV, §97
     
[…] quod absoluta opera atramento inlinebat ita tenui, ut id ipsum, cum repercussum claritatis colorum omnium excitaret custodiretque a pulvere et sordibus, ad manum intuenti demum appareret, sed et luminum ratione magna, ne claritas colorum aciem offenderet veluti per lapidem specularem intuentibus et e longinquo eadem res nimis floridis coloribus austeritatem occulte daret.


  […] C’est celle qui consistait, une fois ces tableaux terminés, à y passer une couche d’atramentum si légère que, formant une surface réfléchissante, elle produisait une couleur blanche due à l’éclat lumineux tout en constituant une protection contre la poussière et les saletés ; elle n’était visible que de tout près, mais même en ce cas, grâce à un savoir-faire accompli, elle empêchait que l’éclat des couleurs ne blessât la vue –comme si l’on regardait au travers d’une pierre spéculaire- ; et de loin le même procédé donnait, sans que l’on s’en aperçût, un ton plus sombre aux couleurs trop éclatantes.
       
      traduction de JM. Croisille, éd. Belles Lettres, 6 lignes
       
Pline
Histoire Naturelle, Livre XXX, § 40
       
Inlito solis atque lunae contactus inimicas. Remedium ut, parieti siccato, cera punica cum oleo liquefacta candens saetis inducatur iterumque admotis gallae carbonibus inuratur ad sudorem usque, postea candelis subigatur ac deinde linteis puris, sicut et marmora nitescunt.


 
(La peinture au minium) redoute l’action du soleil et de la lune. Le préservatif consiste, une fois la paroi bien séchée, à appliquer dessus au pinceau de soie une couche de cire punique très blanche fondue avec de l’huile et à brûler à nouveau jusqu’à la sudation en approchant des charbons de noix de galle, ensuite à aplanir en la frottant avec du suif et, enfin, avec des linges bien propres, comme on fait pour un marbre qu’on veut rendre brillant.
       
      traduction d’A.Reinach, La peinture ancienne, 1921; Macula 1985
 
 

Comme il le fait souvent, Pline raconte dans le livre XXXV une anecdote, qui montre (même si là ne réside pas l’objet de ce récit) que les peintres (ici, Ptotogène) utilisaient aussi des éponges :

 
 
Pline,
Histoire naturelle, Livre XXXVI, § 102,103
 
Non iudicabat se in eo exprimere spumam anhelantis […] Anxio animi cruciatu, cum in pictura verum esse, non verisimile vellet, absterserat saepius mutaveratque penicillum, nullo modo sibi adprobans. Postremo iratus arti, quod intellegeretur, spongeam inpegit inviso loco tabulae. Et illa reposuit ablatos colores qualiter cura optaverat, fecitque in pictura fortuna naturam.
[…]Est in ea canis mire factus, ut quem pariter et casus pinxerit. non iudicabat se in eo exprimere spumam anhelantis, cum in reliqua parte omni, quod difficillimum erat, sibi ipse satisfecisset. displicebat autem ars ipsa: nec minui poterat et videbatur nimia ac longius a veritate discedere, spumaque pingi, non ex ore nasci. anxio animi cruciatu, cum in pictura verum esse, non verisimile vellet, absterserat saepius mutaveratquepenicillum, nullo modo sibi adprobans. Postremo iratus arti, quod intellegeretur,spongeam inpegit inviso loco tabulae. Et illa reposuit ablatos colores qualiter cura optaverat, fecitque in pictura fortuna naturam.
  [...] Tourmenté donc par cette même délicatesse, qui est le principe de la perfection, souvent il avait effacé l’écume, avec son éponge, souvent il l’avait recommencée ; souvent il avait changé de pinceau, pour voir s’il y réussirait mieux. Enfin, après plusieurs reprises, ne pouvant venir à bout de se satisfaire, il se dépita si fort contre l’endroit de son Chien, où son art avait échoué, qu’il jeta de colère, contre cette écume scélérate, l’éponge même qu’il avait à la main ; et qui étant déjà imbue des mêmes couleurs, les y replaça d’une manière si heureuse pour son dessein, qu’avec toute sa science et toute son application, il n’aurait jamais osé se flatter d’un tel succès : et voilà de quelle manière le Hasard produisit, cette fois-là, la Nature même, dans la Peinture.
 
      Ed. Londres, chez Guillaume Bowyer, 1725, BNF V-2592