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MYTHES D’ORIGINE DE LA PEINTURE
     
  Qui inventa l’art pictural ? et pourquoi ? A ce questionnement, les Grecs répondirent par un mythe. Car le mythe est, pour les Grecs « un outil logique qui permet de résoudre les contradictions et d’expliquer la totalité du réel » (Suzanne SAID, Approches de la mythologie grecque). Il est intéressant de remarquer que la même initiative, celle de l’utilisation de l’ombre d’un objet ou d’un être vivant pour en tracer le contour, fut attribuée à des personnages différents. Le mythe nous apprend ainsi que représentation de la peinture fut d’abord celle d’un simple dessin et que ce n’est qu’ensuite que les silhouettes formées auraient été coloriées, hypothèse confirmée par le fait que Pline (23-79 ap. J.-C.) précise que le nom des personnages, d’abord placé à l’intérieur des silhouettes fut, par la suite, écrit à l’extérieur lorsque celles-ci furent coloriées (Livre XXXV de l’Histoire naturelle §16).
 
         
Pline (23 – 79)
Histoire naturelle, Livre XXXV, § 151 et 152.
   
Fingere ex argilla similitudines Butades Sicyonius figulus primus invenit Corinthi filiae opera, quae capta amore iuvenis, abeunte illo peregre, umbram ex facie eius ad lucernam in pariete lineis circumscripsit, quibus pater eius inpressa argilla typum fecit et cum ceteris fictilibus induratum igni proposuit.   « En utilisant lui aussi la terre, le potier Butadès de Sicyone découvrit le premier l’art de modeler des portraits en argile ; cela se passait à Corinthe et il dut son invention à sa fille, qui était amoureuse d’un jeune homme ; celui-ci partant pour l’étranger, elle entoura d’une ligne l’ombre de son visage projetée sur le mur par la lumière d’une lanterne ; son père appliqua l’argile sur l’esquisse, en fit un relief qu’il mit à durcir au feu avec le reste de ses poteries, après l’avoir fait sécher. »
       
      traduction de JM. Croisille, Belles Lettres, 5 lignes
         
  Cette traduction du XVIIIe siècle, éloignée de la lettre du texte de Pline (la dernière phrase, sur le contour, est un ajout pur et simple), témoigne d’une utilisation du mythe à des fins polémiques (le débat dessin-couleur)  
         
Dibutade de Sicyone, simple potier de terre, est le premier qui se soit avisé d’exprimer la figure humaine avec de l’argile. On dit que la chose se passa à Corinthe, et que sa fille lui en fit naître l’invention. C’est qu’étant amoureuse d’un jeune homme, qui l’aimait, et qui devait la quitter pour un long voyage, elle se mit dans l’esprit d’en conserver les linéaments extérieurs, qu’elle traça fidèlement contre la muraille, avec du charbon, à l’aide d’une lampe, qui les marquait devant ses yeux. Et voilà l’origine de ce Contour célèbre, qui a longtemps été regardé comme le Père de la Plastique, de la Peinture, de la Sculpture, et généralement de tous les Arts qui dépendent du trait.
       
      Édité à Londres, chez Guillaume Bowyer, 1725
         
Athénagoras,
Leg. pro Christ. (17, p 59, Dechair)

         
  Tant qu’il n’y avait encore ni modelage, ni art du dessin, ni art de la statuaire, les images n’étaient pas estimées. C’est alors que parurent Saurias de Samos et Kraton de Sicyone et Kléanthès de Corinthe et la jeune fille Corinthienne ; l’art de dessiner les ombres fut découvert par Saurias qui représenta un cheval placé au soleil ; celui du dessin au trait fut découvert par Kraton en traçant le contour d’un homme et d’une femme sur une tablette blanchie.
         
      traduction d’A. Reinach, La Peinture ancienne, 1921; Macula 1985
       
L.B. Alberti
De Pictura, 1435
   
§ 26. Quae cum ita sint, consuevi inter familiares dicere picturae inventorem fuisse, poetarum sententia, Narcissum illum qui sit in florem versus, nam cum sit omnium artium flos pictura, tum de Narcisso omnis fabula pulchre ad rem ipsam perapta eri. Quid est enim aliud pingere quam arte superficiem illam fontis amplecti ?   J’ai coutume de dire, parmi mes familiers, que l’inventeur de la peinture doit être ce Narcisse qui fut métamorphosé en fleur. Qu’est-ce que peindre, en effet, si ce n’est saisir, à l’aide de l’art, toute la surface de l’onde ?
       
      De la statue et de la peinture, traités de L.B.Alberti, traduits par Claudius Popelin, à Paris,chez Lévy, 1869.
       
  Le peintre d’origine suisse, Johann Heinrich Füssli (1741-1825), consacra la première conférence qu'il prononça à la Royal Academy de Londres en 1801 à l'art antique. Dans cet exposé historique, il reprend le mythe de la fille de Butades, rapporté par Pline. S'il ne s'attarde pas sur le récit de ce transfert qui fonde la nature émotive et mimétique de la peinture, il lui accorde une place inaugurale. À partir de cette source grecque, il élabore une théorie de la gradation, du passage du dessin à la couleur.  
         
Johann Heinrich Füssli (1741-1825),
Conférence I : De l'art antique
   
"If ever legend deserved our belief, the amorous tale of the Corinthian maid, who traced the shade of her departing lover by the secret lamp, appeals to our sympathy to grant it, and leads us, at the same time, to some observations on the first mechanical essays of painting, and that linear method which, though passed nearly unnoticed by Winkelmann, seems to have continued as the basis of execution, even when the instrument for which it was chiefly adapted had long been laid aside."   "S'il existe une légende qui mérite notre attention c'est bien celle de ce conte d'amour de la servante corinthienne qui, grâce à la lumière d'une lampe cachée, traça les contours de la silhouette de son amant avant qu'il ne la quitte; ce récit nous encourage en même temps à formuler des observations sur les premières tentatives mécaniques de peinture et sur cette méthode linéaire qui, bien qu'elle n'ait pratiquement pas été remarquée par Winckelmann, semble s'être maintenue en tant que fondement de l'exécution longtemps après que l'instrument pour lequel elle avait été conçue eut été abandonné."
in Ralph N. Wornum ed., Lectures on Painting by the Royal Academicians. Barry, Opie, Fuseli (London: Bohn, 1848) 349.
       
      traduction originale I. Baudino