Les méthodes d’observation
sont bouleversées à partir de la seconde moitié du
17ème siècle par l’invention du microscope et l’Optique
de Newton (1704) dont les réflexions sur la diffraction du spectre
lumineux (la décomposition d’une lumière complexe
par un prisme), et plus généralement sur les liens entre
couleur et lumière, renouvellent les théories des Anciens
concernant la couleur : là où Aristote voyait la couleur
comme un « accident » de la lumière (Roque, p. 5),
Newton prouve par son experimentum crucis que c’est au contraire
la lumière qui est composée des sept couleurs du spectre.
Newton propose aussi une vision circulaire des relations « harmonieuses » entre
les couleurs du prisme, ouvrant ainsi la voie à une théorisation
de leur complémentarité. Suite à ces découvertes,
les révolutions scientifiques se multiplient, permettant l’avènement
de la chimie moderne à la fin du 18ème siècle,
grâce notamment aux recherches de Lavoisier (1743-1794) qui rendent
caduque les anciennes croyances alchimiques et la théorie médiévale
des quatre éléments. Ces travaux posent les jalons de
l’approche scientifique de l’œuvre d’art dans
sa matérialité.
Mais la période charnière en matière d’investigation
scientifique de l’art reste le 19ème siècle, caractérisé par
une instrumentalisation poussée de la science au service d’autres
domaines comme l’industrie, textile notamment. Ainsi, le chimiste
Michel-Eugène Chevreul (1786-1889) nommé directeur des
teintures à la manufacture royale des Gobelins en 1824, s’interroge
sur les modalités de perception des couleurs. La couleur n’est
plus alors considérée comme une donnée variable,
réfractaire à toute analyse scientifique du fait de sa
nature subjective de sensation. Chevreul réussit en effet dès
1839 à dégager des lois chromatiques dans son ouvrage
intitulé De la loi du contraste simultané des couleurs
et de l'assortiment des objets coloriés considéré d'après
cette loi dans ses rapports avec la peinture, qui jettent les bases
d’une véritable science de la couleur. Quelques années
plus tard, un autre chimiste, Marcelin Berthelot (1827-1907), en collaboration
avec les frères Morgan, se sert de ses connaissances pour identifier
certains métaux anciens et les phénomènes d’altération
présentés par des vestiges archéologiques. La
période est aussi dominée par la figure de Pasteur qui
prêche
« l’alliance (…) de la science et de
l’art » au point que Napoléon III crée pour
lui la première chaire consacrée à la physico-chimie
appliquée aux arts. Enfin, au tournant du siècle les
travaux de Röntgen aboutissent à l’invention des
rayons X (1895) et ceux du prince de Broglie jettent les bases de la
mécanique ondulatoire en postulant l’existence d’une
onde associée à toute particule en mouvement (1924).
Ces avancées scientifiques aboutiront, dans le courant du 20ème
siècle non seulement à l’essor en peinture d’une
réflexion sur les couleurs du spectre comme longueur d’ondes,
vibration, mais aussi à la mise au point d’appareils et
de techniques servant à réaliser des analyses en détail
et en profondeur des œuvres d’art, tels que les examens
en lumière de différentes longueurs d’ondes, la
radiographie, la diffraction de rayons X, les accélérateurs
de particules ou encore la microscopie électronique à balayage. |