Comme le disait Bachelard, on ne
voit pas seulement parce qu’on a un microscope. Le regard du scientifique
sur la picturalité se doit d’être un regard informé.
Ses efforts se portent tout d’abord sur l’identification
des matériaux de l’œuvre d’art, qui permet
d’obtenir une datation plus précise ou une authentification
tout en posant les bases d’une meilleure connaissance des techniques
anciennes. L’analyse de la nature et, à terme, de la provenance
d’un pigment peut en outre fournir des éléments
d’information sur le statut social du commanditaire (s’il
s’agit d’un pigment coûteux par exemple) ou sur les
liens commerciaux et culturels entre la région où l’œuvre
a été trouvée et celle d’où provient
le pigment. Mais ces informations sont aussi nécessaires à l’éventuelle
reconstitution de ce pigment dans le cadre d’une restauration
par exemple. En effet, le scientifique s’efforce de mieux comprendre
les causes de la dégradation de l’œuvre afin d’en
faciliter la conservation et/ou la restauration. Les causes de dégradation
sont nombreuses et les plus fréquemment relevées sont
les suivantes : les changements de température provoquant la
dilatation de certains supports (bois notamment), l’humidité,
les phénomènes de condensation et les remontées
capillaires, les effets du soleil causant des réactions photochimiques
irréversibles sur les bois peints par exemple, la prolifération
végétale, microbienne ou de micro-organismes animaux
entraînant l’évolution chimique des pigments, ou
enfin les effets de la pollution comme le gaz carbonique, l’oxyde
d’azote et l’oxyde de souffre qui, en réaction avec
l’eau, produit de l’acide sulfurique très corrosif
au contact des métaux, des peintures murales et du carbonate
de calcium des marbres.
Même si le mot d’ordre reste toujours le respect de l’intégrité de
l’œuvre d’art, on distingue en général
deux méthodes d’analyse scientifique permettant d’observer
et/ou d’identifier les composants chimiques d’une œuvre
d’art : les méthodes d’analyse non destructrices
(notamment en lumière de différentes longueurs d’ondes)
et les méthodes nécessitant un prélèvement
d’échantillon (souvent dans les zones périphériques
ou déjà endommagées de l’œuvre). Nous
n’avons retenu ici que les méthodes d’observation
et d’identification qui ont permis l’analyse du corpus
de stèles du Louvre.
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