La couleur chez les Grecs

Art et science

 

 

 

 

 
   

Définitions : controverses

Synesthésies

Dire la couleur

 

 

 

 

 

 
 
 

 

Que voyaient les Grecs ?

Ce qu’en pensaient les Modernes

Les approches contemporaines

 

 

 

 

 
 
 

Les apports des sciences cognitives

Les histoires de la couleur

 
 
 
   
                 
 
Les apports des sciences cognitives  
   
L’apport, récent, des sciences cognitives et notamment de la linguistique en matière de perception du chromatisme peut nous permettre d’élucider les quelques zones d’ombres et contradictions entre l’importance des couleurs dans l’art du monde grec antique et leur rareté dans les textes littéraires. Selon les tenants des sciences cognitives (de la psychologie et la neurobiologie à la linguistique), " il n’y a pas de perception purement visuelle, celle-ci est toujours déjà un phénomène cognitif " (Roque, p. 250). Ainsi pour le linguiste Benveniste l’idée d’un " langage des couleurs " est loin d’aller de soi : en effet, les couleurs " sont désignées, elles ne désignent rien (…) L’artiste crée sa propre sémiotique (…) La couleur, ce matériau, comporte une variété illimitée de nuances gradables dont aucune ne trouvera d¹équivalence avec un signe linguistique ". Cette question rejoint celle des différents phénomènes de " lexicalisation " de la couleur qui varient selon les cultures selon John Lyons. Ce problème de la dénomination ou non de certaines couleurs est lié à notre rapport au monde. De même que Panofsky a bien montré que la question n’est pas si les Anciens savaient ce qu’était la perspective mais bien s’ils disposaient de notre perspective, il faut donc se demander si la question du daltonisme des Grecs ne serait pas plutôt à remplacer par la suivante : les Grecs voyaient-ils comme nous nos couleurs ? Pour Alain Martin, les " explications fantaisistes " comme celle de Gladstone qui pensait que la faculté perceptive des Grecs était défaillante, sont liées au " débat entre chrominance et luminance " (Martin, p. 51). Si nous privilégions aujourd’hui l’image colorée, les Grecs, eux, étaient " d’abord sensibles à la luminance de l’image " (Martin, p. 52). D’où la prédominance d’adjectifs connotant la luminosité dans les tragédies grecques comme celles d’Eschyle ou de Sophocle. Ces analyses recoupent celles de Lyons qui affirme que la plupart des adjectifs traduits comme des mots renvoyant à des couleurs, décrivent en réalité le monde en termes de luminosité, de brillance plutôt que de teinte. La perception des couleurs dans le monde antique serait ainsi plus " quantitative " que " qualitative " (Lyons, p. 216). Par exemple les mots grecs melas et leukos peuvent être traduits aussi bien par " noir " et " blanc " que par " foncé " et " clair ". De même le terme chloros employé essentiellement pour décrire la végétation, le feuillage est indissociable du contexte dans lequel les Grecs l’utilisaient. Ce qui fait dire à Lyons que chloros est un terme descriptif plus qu’une couleur qu’il n’est pas du tout impossible de traduire par " feuillage vert ". John Lyons n’hésite pas non plus à rappeler d’autres controverses autour des traductions de certains termes tels que purpureus (rouge ou violet ?) ou glaukos (la couleur des yeux d’Athéna). Ainsi, il semblerait qu’il ne faille jamais systématiquement traduire un même terme grec par le même mot français. La dénomination des couleurs du grec ancien au français est loin de se recouper totalement. Ainsi le mot glaukos peut varier du gris au bleu clair. Et ochros du jaune au rouge. Cette impression d’imprécision est renforcée lorsque l’on s’aperçoit des différentes " valeurs " (Byl, p. 69) que les Grecs conféraient aux couleurs. Cette hiérarchie implicite est notamment présente dans les textes hippocratiques, seul corpus – comme le souligne Byl – qui laisse aux couleurs une place essentielle. Ici la notion abstraite de couleur, encore peu claire, rejoint celle de pigment, très utilisée en médecine comme en témoignent certains textes d’Aristote (Génération des Animaux) ou de Pline.