plaines

Deuxième page : vis-à-vis de la photo verticale, où fille à demi-cachée par la porte

Le regard étend des plaines,

silencieuses et vastes,

infinies.

l’espace immense

est plat comme ma main

lisse à crier.

au fond d’un couloir

dans une chambre blanche,

il y a eu –

mes mains sous ta peau

– une certitude.

Le regard étend des plaines

silencieuses et vastes,

mes arènes.

Ils ont forcé la chambre blanche,

laminé ta peau sur la plaine,

– diffractée, introuvable, depuis.

On a tout dit de l’exil,

mais la frontière reste la même.

– La plaine s’étend silencieuse,

infinie,

dans mes yeux.


page 3, vis-à-vis photo fille et enfant, cadre plus petit.

La photographie et la peau : surfaces lisses et muettes.

Détouré de blanc et de silence – espace plat, en attente.

On ne se perd pas dans les profondeurs d’un miroir. On ne creuse pas. On glisse.

Panneaux de bois, portes de placards, tables de bar, murs blancs : le monde n’est qu’un agencement de surfaces. Lignes, plans. Et, parfois, un corps.

Qu’est-ce que c’est, un corps ? Sang, nerfs, cris, chair, vie à l’œuvre ? Ici, c’est une forme, insérée dans le cadre entre les marges blanches.

Ces corps redoublent la surface des tables, les arêtes des murs, les reflets des vitres. Ces cheveux ont la couleur du bois, la teinte d’un thé. Ces corps n’habitent pas ces intérieurs.

Le sang, les nerfs, les cris, les chairs, la vie à l’œuvre, ça ne bouleverse pas les lignes.

Des natures mortes.

Mets toi là. Ne bouge pas. Silence.

Corps contraint partout, contenu par les lignes, mis en joue par l’objectif.

Dans le cadre, il y a un corps qui se tait, un temps immobile.

Mais le sang, les nerfs, les cris, les chairs, la vie à l’œuvre ?

Ces peaux pâles dévorées par la lumière blanche, ces regards baissés, ces poses trop artificielles pour être honnêtes, ça cache quelque chose.

Au cœur, il y a… un noyau…des nerfs… la chair, la vie à l’œuvre,

même lente, même dérobée,

face à moi, sous la surface, une profondeur et une essence.

L’œil veut un mystère.

Dans son cadre, baignée de silence et de lumière blanche, la photographie se tait.

L’œil cherche la faille.

Sous ces peaux laiteuses, passe... palpite... travaille... – un interstice.

Il y a un endroit où l’image se fend, l’instant décisif du secret à surprendre.

… – Il faudrait croiser un regard, attraper une main.

Mais les yeux se détournent et les mains sont figées.

Mets-toi là. Ne bouge pas. Silence.

Dans le cadre, il y a des formes retranchées, qui se retirent en même temps qu’on s’approche.

Dernière page :

L’œil s’obstine.

Dans ces sept rectangles détourés du monde, la vie s’immobilise. Les gestes et les mots se suspendent – évacués – inessentiels.

Sang, nerfs, cris, chair, vie à l’œuvre – en retrait devant moi… doucement, s’effacent.

La vie concentrique entourée de blanc – lentement… me détoure, m’arrête.

L’œil troué au centre voudrait panser ces intervalles dans lesquels il se perd.

Dans le cadre, il y a une image concentrée en elle-même, mate et muette.

De qui sont-elles les héroïnes, ces filles qui ne bougeront pas de place ?

Pour qui jouent-elles ? Qui a écrit le scénario, et surtout, où est-il, maintenant?

L’œil vide s’absorbe dans la vie concentrique.

– Elles qui ne disent rien m’enlèvent la parole. Silence.

Je resterai des heures à attendre la brèche, à écouter le temps ralentir sous ma peau.

Je ne veux plus qu’être là, vide – enlevé.

Mets-toi là. Ne bouge pas. Silence.

Dans le cadre, il y a une image, opaque et impénétrable.

… – …

De part et d’autre du verre, il y a deux corps qui se taisent dans la lumière blanche, dans le temps immobile.

La photographie, la peau : surfaces, lisses et muettes.

DUELS

Retour à l'accueil

Extraits des textes associés aux photographies :

Bertrand Guest

Claire Richard

Hélène Martinelli