Etrange leçon: les
seules œuvres pour lesquelles est reconnu aujourd’hui
Renard de Saint André, portraitiste renommé en
son temps, sont précisément des Vanités
- ce genre pictural qui servait de support à une méditation
sur la mort.
Au centre d’une composition rigoureuse d’objets symbolisant
les plaisirs de la vie, comme autant de vestiges d’une
agape, désigné par un rayon de lumière,
trône un crâne couronné de lauriers. Victoire
irrémédiable de la mort ? Ou promesse d’une
résurrection future dans le royaume de Dieu (le laurier étant
symbole d’immortalité)? Condamnation en tout cas,
qui rend manifeste la précarité des plaisirs terrestres.
La composition elle même est pensée pour produire
cet effet d’instabilité. Ainsi, la suspension étrange
de la table (devenue autel sacrificiel) où sont amoncelés,
entre ombre et lumière, les objets. L’installation
d’une temporalité particulière : celle du
presque déjà fini (bulles sur le point d’éclater,
manuscrit et verre brisé sur le point de s’effondrer
de l’étagère), du à peine terminé (mèche
de bougie tout juste éteinte, bouteille vide). On comprend,
comme nous le dit Louis Marin, que « La Vanité dit
le monde en état de chancellement, la réalité en état
d’inconstance et de fuite. »
Chancellement rendu d’autant plus émouvant par la
restitution tactile des objets de la composition : finesse du
verre brisé, des bulles de savon sur lesquelles se reflète
la lumière de fenêtres extérieures au tableau.
Finesse aussi de la fumée de la mèche éteinte,
qui par un tour de force plastique, se transforme en un ruban
où vient plus loin s’appliquer, comme une condamnation,
un sceau rouge figurant un squelette.
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