Trois Vierges du XVIème siècle
Créées par trois maîtres anonymes du début du XVIème siècle, et provenant de milieux différents, ces trois Vierges sont pourtant rassemblées à juste titre : elles sont issues d’ateliers également soumis à l’influence de Michel Colombe, et aux tendances d’un art encore gothique déjà pénétré d’italianisme. Pourtant, les trois statues proposent des mises en scène sensiblement différentes de la Vierge.
- Celle de gauche est une Vierge à l’Annonciation. Elle frappe par l’humanité de son expression : visitée par l’Ange, la jeune fille est saisie dans son intimité - elle s’appuie sur un pupitre où repose un livre. C’est une vierge d’avant la Vierge qui est représentée ici, dans le mouvement qui précède la réception du message et son acceptation. Le sculpteur choisit l’instant–miracle du basculement, lorsque le mystère de l’Incarnation n’est pas encore révélé; il privilégie l’expressivité du visage, qui trahit la surprise de la jeune fille. L’agencement de la figure répond à cette intention : les drapés s’organisent en une pyramide qui s’effile vers le visage. L’expression est encore soulignée par le mouvement de tête et le regard qui déporte l’attention vers ce qui manque à la scène, et que nous devinons, hors-champs : l’ange Gabriel.
- Par contraste, la Vierge à l’enfant, au centre, s’affirme plus hiératique, plus glorieuse aussi : sculptée dans du bois de noyer, elle a conservé ses couleurs - contrairement aux deux autres statues, elles aussi polychromes à l’origine; son attitude est plus canonique : la mère s’efface, tête baissée, profil placide, au profit de l’enfant qui, plus vif, nous interpelle du regard. Les drapés valorisent ce contraste : ils tombent en verticales immobiles sur le manteau de la Vierge, mais se mettent en mouvement autour du Jésus.
- La Vierge de droite propose une attitude plus déhanchée, plus naturelle d’ailleurs à une femme qui porte un enfant. Sa silhouette évoque la familiarité d’une scène de la vie quotidienne - ce qu’Henri Focillon* appelle la "poésie de l’intimité familiale" à l’œuvre dans le christianisme des hommes du Moyen-Age. Le groupe est en effet plus de genre que d’adoration : échange de regards, jeu de mains de l’enfant surpris en un mouvement tendre ou joueur… sous la bienveillance des sourires qui animent les deux visages.
- Cependant, Pierre Buraglio ne choisira pas de travailler sur les caractères plastique de ces figures ; il jouera plutôt sur les conditions de leur visibilité, en instaurant un point de vue singulier, qui établit une profondeur imaginaire et rétablit une circulation possible autour des statues. Il réactualisera alors une virtualité contenue dans ces œuvres - celle qui invite à se mettre en mouvement autour des sculptures, et à multiplier les regards : prolongement et dérangement, hommage et jeu profane - travail d’un artiste sur celui d’autres artistes.

*(Technique et Sentiment, Etudes sur l’art moderne).

 
De gauche à droite :
Vierge d’Annonciation
Premier quart du XVIème siècle
Calcaire
H. 0,87 ; L. 0,44 ; P. 0,23
Inventaire D 197

Vierge à l’Enfant
Début du XVIème siècle
Bois de noyer polychrome
H. 1,16 ; L. 0,38 ; P. 0,33
Inventaire D 791

Vierge à l’Enfant
Premier quart du seizième
Calcaire
H. 0,62 ; L. 0,22 ; P. 0,16
Inventaire E 542/1