Jacques Stella, Autoportrait
Le visiteur du Musée est pris entre deux regards : face à lui, Jacques Stella ; derrière lui, Simon Vouet. Lit les cartels, et constate que ce sont deux autoportraits. N’en doutera pas, et même, reconnaîtra Stella sans l’avoir jamais vu. Reconnaîtra en tout cas le dispositif et l’économie propres au genre de l’autoportrait. Se souviendra de ceux de Poussin, ami de Stella. Verra que le fond est neutre, que le peintre se représente de trois quarts comme le veut le jeu de l’autoportrait au miroir. N’y verra que le peintre face à lui même, et se sentira gêné de son regard troisième. Tâchera quand même de comprendre ce qui se joue dans cette intimité-là, dont il voit bien qu’elle n’est pas complaisante : Stella se peint sans artifice, le visage assez inexpressif, mais plutôt grave… S’il se renseigne, il saura que Stella était malade. Et s’il ne se renseigne pas, il verra tout de même l’ombre portée dans son dos, et l’urgence de la touche. Il verra aussi le rouleau que le peintre tient dans la main, les bras croisés. Il y apercevra quelques traits rouges d’une écriture indécidable. Il reviendra vers l’ombre, à sa droite – vers le halo sombre, sur sa gauche ; et il fera le tableau s’assombrir davantage. S’il est amateur de mystère ou d’histoire de l’art, il se demandera d’où vient la lumière, et il constatera que l’ombre est illogique, ou que le fond n’est pas plat, ou encore, que le fond est imaginaire. Il aura alors l’impression que Stella se peint avec l’ombre qui l’accompagne et le suit de très près, l’impression de percer à jour la sobriété extrême de cet autoportrait qui dit le vrai plus que le vraisemblable… Tant et si bien qu’il a paru invraisemblable, jusqu’en 1988, que ce tableau fût bel et bien un autoportrait.



 
  Jacques STELLA
Lyon, 1596 - Paris, 1657

Autoportrait

Huile sur toile
H. 0,84 ; L. 0,67

Inventaire A-2886