D'après… un Saint Sébastien du XVe siècle

Entre-deux. Entre une première version au fusain et une huile sur porte - une évocation du saint sur papier calque. De la statuette originale, Pierre Buraglio a gardé les lignes de force, arêtes du corps du saint. Simples traces du volume original, simples traces suffisantes à convoquer sa présence. Ou comme son apparition iconique à la surface du calque-écran.
Buraglio ne l’ignore pas, qui joue avec la tradition de pure frontalité du corps de Sébastien, et sa représentation sur support calque, support privilégié de l’artiste pour sa qualité à faire écran. Et à la surface du calque, Sébastien campe son corps dans une proximité absolue, y affleure comme une ombre bleue. Une proximité dans laquelle il se dérobe encore. Une proximité dans laquelle la puissance de l’apparition négocie avec sa propre disparition. Le jeu de l’ombre et de sa contingence étant poussé jusqu’à faire apparaître derrière le saint l’ombre que la statue porte sur le mur du Musée…
Mais le dessin se fait ascèse : Buraglio y enlève justement tout supplément de dessin. Aussi son Sébastien n’a-t-il pas de visage.
Et c’est indifférent.
Car ce n’est pas le visage de Sébastien qui le nomme, mais son corps, le mystère de son corps de martyre, indifférent à sa nudité, aux flèches qu’on lui décoche, aux regards qu’on lui porte. Il est l’indifférent, le résistant. C’est au cutter que Buraglio lui fit un sort, à ce visage, à sa figuration impossible. Une élision qui ne dit rien autre chose que cette volonté de ne pas surindiquer (comme Racine disant à son fils qu’il est inutile de signer ses lettres, qu’un père reconnaît l’écriture de son fils). Inutile de signer ce corps d’un visage. On le reconnaîtra, on le nommera Saint Sébastien, ces quelques traces y suffiront.
Voilà un martyre qu’on n'aura jamais autant dévisagé.


D'après…un Saint Sébastien du XVe siècle
2003
Crayon glasochrome bleu sur papier calque, découpage
56 x 37