Entre-deux. Entre une première
version au fusain et une huile sur porte - une évocation
du saint sur papier calque. De la statuette originale, Pierre
Buraglio a gardé les lignes de force, arêtes du
corps du saint. Simples traces du volume original, simples
traces suffisantes à convoquer sa présence. Ou
comme son apparition iconique à la surface du calque-écran.
Buraglio ne l’ignore pas, qui joue avec la tradition de pure frontalité du
corps de Sébastien, et sa représentation sur support calque, support
privilégié de l’artiste pour sa qualité à faire écran.
Et à la surface du calque, Sébastien campe son corps dans une proximité absolue,
y affleure comme une ombre bleue. Une proximité dans
laquelle il se dérobe encore. Une proximité dans laquelle la puissance
de l’apparition négocie avec sa propre disparition. Le jeu de l’ombre
et de sa contingence étant poussé jusqu’à faire apparaître
derrière le saint l’ombre que la statue porte sur le mur du Musée…
Mais le dessin se fait ascèse : Buraglio y enlève justement tout
supplément de dessin. Aussi son Sébastien n’a-t-il pas
de
visage.
Et c’est indifférent.
Car ce n’est pas le visage de Sébastien qui le nomme, mais son corps,
le mystère de son corps de martyre, indifférent à sa nudité,
aux flèches qu’on lui décoche, aux regards qu’on lui
porte. Il est l’indifférent, le résistant. C’est au
cutter que Buraglio lui fit un sort, à ce visage, à sa figuration
impossible. Une élision qui ne dit rien autre chose que cette volonté de
ne pas surindiquer (comme Racine disant à son fils qu’il est inutile
de signer ses lettres, qu’un père reconnaît l’écriture
de son fils). Inutile de signer ce corps d’un visage. On le reconnaîtra,
on le nommera Saint Sébastien, ces quelques traces y suffiront.
Voilà un martyre qu’on n'aura jamais autant dévisagé.