Le Jongleur (Berry, fin XIIe)
Ce haut relief du 12e siècle, de taille moyenne, provient d’une église romane du Berry ; c’est une des pièces maîtresses du musée. Intégrée dans l’espace de l’église, elle y jouait un rôle, au même titre qu’un pilier ou la pierre d’angle d’une voûte. Sa fonction première était donc architecturale. Le cadre est courbé, car il y avait besoin d'une courbe à tel endroit précis. De cette exigence structurelle naît pourtant l’œuvre d’art, l’art ornemental, "alphabet de la pensée humaine aux prises avec l’espace" : la contrainte formelle est génératrice d’image. Focillon écrivait : "La forme cherche à faire son profit des variations ornementales et à y incorporer l’homme lui-même, en l’adaptant ainsi à certaines fonctions architecturales". Ici, le personnage sous arcade devient personnage-arcade. Cadre-arcade. Si le cadre est carcan, il reçoit, au plus près du corps qu’il ceint, et à qui il impose une attitude, une force émanant du mouvement qui l’irradie et vient s’imprimer en retour sur lui. Cadre et figure ne font plus qu’un et s’inventent l’un par l’autre : le pied du danseur s’échappe du cadre, affirme sa liberté. Dès lors, ce n’est plus la forme contraignante du cadre qui plie le corps, mais c’est elle qui se plie et accentue sa courbe, attirée par le jongleur qui l’invite à sa danse. Jeux de courbes, jeux d’un corps en mouvement : la figure se plie avec souplesse, dans une construction en triangles qui semble se démultiplier. La forme se lit par ses pleins, ses effets de rupture et d’asymétrie, par ses vides.
Il s’agit bien d’un "espace-milieu", "librement ouvert à l’expansion des volumes qu’il ne contient pas ; ils s’y installent, ils s’y déploient comme les formes de la vie… un espace où la forme se meut avec liberté."
 
  Jongleur
Troisième quart du XIIe siècle
Calcaire
H. 0,60 ; L. 0,33 ; P. 0,11

Inventaire D 140