D'après ... " Le jongleur de Bourges "
Que voit-on ? Une feuille de calque, plane, lisse. Un corps peu à peu émerge à sa surface, prend un visage, se réchauffe, s’anime et se met à danser. Cependant, quelque chose nous trouble. Que nous dit ce personnage, dont le regard referme un jeu de triangles sur lui-même, sinon qu’il n’a rien à voir avec nous ? Entre l’œil et le genou ce regard nous rejette dans une extériorité irréductible : une quête se tisse entre l’œuvre et le spectateur mais elle se joue sur le mode de la déceptivité.
Dans cette épiphanie, rien, pourtant, de spectaculaire. L’œuvre met en scène sa propre naissance : la construction se donne à voir, à lire dans le mariage des lignes, le jeu des ombres et des valeurs. On cherche Pierre Buraglio, mais l’œuvre elle-même semble nous dire qu’on ne le trouvera peut-être pas ; effacement de l’artiste, refus de tout lyrisme, la revendication singulière de modestie se lit aussi dans le choix du sujet : ne s’agit-il pas d’une simple étude technique, d’une analyse de composition des volumes, avec les trois balles du joueur, qui dessinent un éventail ? Le travail de l’artiste met en question la représentation elle-même, en mettant en abîme la notion de cadre, il joue un jeu ambigu par la mise en rapport d’un travail de réduction d’un objet tridimensionnel, de l’œuvre sculptée au dessin, avec le souci méticuleux du rendu du cadre, dont il restitue les reliefs, les échancrures.
- C’est peut-être là que se situe l’enjeu de ce travail : renouer avec le dessin, avec l’icône ; se mettre devant un chevalet et dessiner, dessiner pour désapprendre, pour prendre ses marques, et regarder, différemment ; dessiner et s’approprier ; dessiner - abstraire.
D'après…"Le Jongleur de Bourges"
2003
Crayon et rehauts de pastel maigre sur calque
Crayon glasochrome rouge sur calque
133 x 49