Que voit-on ? Une feuille
de calque, plane, lisse. Un corps peu à peu émerge à sa
surface, prend un visage, se réchauffe, s’anime
et se met à danser. Cependant, quelque chose nous trouble.
Que nous dit ce personnage, dont le regard referme un jeu de
triangles sur lui-même, sinon qu’il n’a rien à voir
avec nous ? Entre l’œil et le genou ce regard nous
rejette dans une extériorité irréductible
: une quête se tisse entre l’œuvre et le spectateur
mais elle se joue sur le mode de la déceptivité.
Dans cette épiphanie, rien, pourtant, de spectaculaire.
L’œuvre met en scène sa propre naissance :
la construction se donne à voir, à lire dans le
mariage des lignes, le jeu des ombres et des valeurs. On cherche
Pierre Buraglio, mais l’œuvre elle-même semble
nous dire qu’on ne le trouvera peut-être pas ; effacement
de l’artiste, refus de tout lyrisme, la revendication singulière
de modestie se lit aussi dans le choix du sujet : ne s’agit-il
pas d’une simple étude technique, d’une analyse
de composition des volumes, avec les trois balles du joueur,
qui dessinent un éventail ? Le travail de l’artiste
met en question la représentation elle-même, en
mettant en abîme la notion de cadre, il joue un jeu ambigu
par la mise en rapport d’un travail de réduction
d’un objet tridimensionnel, de l’œuvre sculptée
au dessin, avec le souci méticuleux du rendu du cadre,
dont il restitue les reliefs, les échancrures.
- C’est peut-être là que se situe l’enjeu
de ce travail : renouer avec le dessin, avec l’icône
; se mettre devant un chevalet et dessiner, dessiner pour désapprendre,
pour prendre ses marques, et regarder, différemment ;
dessiner et s’approprier ; dessiner - abstraire.
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