Ce retable monumental, réalisé vers
1620 pour le maître-autel de l'église St Paul
des Dominicains d’Anvers, s’inscrit dans le courant
de la Contre Réforme ; il s’agit de mettre en
valeur l’église
catholique, et la cohésion des Ordres Mendiants au service
d’un même objectif de Réforme morale et
spirituelle – projet à la fois politique et religieux.
Ici, Rubens donne une représentation hybride d’un
Christ vengeur, doté de l’attribut jupitérien
de la foudre, d’autant plus hyperbolique qu’il
occupe l’espace supérieur du tableau et crée
une ligne de force verticale, menaçant la zone inférieure
d’un déferlement de châtiments implacables; à l’extrémité inférieure,
St Dominique et St François protègent le monde
corrompu par Satan, qui tente de l’étouffer :
eux seuls, par leur humilité et par la prière,
peuvent ramener le monde à la vertu.
Le traitement plastique de cette scène remotive le vocabulaire
visuel de l’iconographie religieuse : l'espace aérien
se creuse et se démultiplie; pourtant, dans sa monumentalité,
la scène conserve une grande cohérence, homogénéisée
par la foule des saints qui se confond avec celle des anges,
les nuages. Une spirale creuse le champ pictural à l’infini
et crée des lignes de forces qui permettent une focalisation
sur la figure du Christ et des saints . De sensibilité baroque,
c’est un espace illusionniste et fabuleux, aérien
et saturé de personnages qui semblent sur le point de
s'écrouler; un espace dynamisé par une constante
tension picturale : les couleurs riches côtoient les teintes
plus ternes, des zones de lumière éclatante se
conjuguent à l’obscurité. Tous ces éléments
concentrent l’attention sur certains détails du
tableau qui font saillie, notamment le motif des pieds. En effet,
symboles d’humilité et de souffrance, traités
avec un extrême réalisme, et placés au premier
plan, à hauteur des yeux du spectateur, les pieds nus,
sales, et stigmatisés de Saint François d’Assise
sont investis d’une puissante signification théologique.
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