D'après… Pierre-Paul Rubens

Des crayons impriment leurs traces sur la surface lisse et opaque d’une feuille de calque. Des lignes et des courbes se superposent, se révèlent l’une par l’autre, comme un jeu de palimpseste coloré. Rouge et bleu, couleurs primaires, couplées : c’est à elles que le dessin doit sa force d’interpellation, c'est par elles qu’il nous fait en quelque sorte violence. Dépouillement des couleurs et du geste, qui refuse la fioriture, dépouillement du médium, ce calque qui se laisse si facilement percer à jour : signes du dépouillement, enfin, du motif ?
Pierre Buraglio effectue un travail paradoxal de ressaisie et de transformation d’un motif saturé de significations, les pieds nus et sales de St François, pour le faire tendre vers une abstraction de plus en plus grande . Prenant parti pour leur trivialité : la blessure est au centre du dessin, elle en est presque l’emblème, le signe discret et essentiel. Mais l’artiste renverse le traitement illusionniste : une gamme chromatique extrêmement limitée indique un recentrage sur la question de la matérialité et de sa représentation : comment représenter le volume, le corps ? C’est peut-être là que réside la force évocatrice du rouge, couleur de la carnation, de la souffrance. Sa violence est mise en lumière par le contraste avec les parties au crayon bleu qui foncent les volumes presque minéraux des corps. Transsubstantiation du corporel au minéral. Grossissement du détail dans le détail, déplacement, déformation, rendent possible une lecture presque abstraite de l’œuvre. L’artiste joue sur cette indécision entre référentialité affichée et plasticité, qui est aussi indécision entre dessin, peinture et sculpture.
La matérialité, c’est aussi le prosaïque, le trivial : en somme, le pied comme figure de l’humilité, de ce qui appartient au sol. Dénudés, recroquevillés, les pieds sont figures de torsion, de déformation et de souffrance. Il n’y en a que trois. Dénuement.

D'après…Pierre-Paul Rubens (St Dominique et st François d'Assise préservant le monde de la colère du Christ)
2003
Crayons glasochromes rouge et bleu sur papier calque
65 x 50