Le dessin d'une colline
vert bleuté ébauche la ligne d'horizon ; le
tracé courbe des berges d'une rivière découpe
l'espace en trois plans et en creuse la profondeur: au premier
regard, on pourrait prendre "Paysage Orageux" pour
l'exercice de style d'un peintre paysagiste. Les motifs de
la plate vallée, du moulin bordé d'une masure
et la gamme chromatique sombre (un dégradé du
vert profond jusqu'au noir) révèlent l'influence
de la tradition flamande. Mais s'agit-il ici de la représentation
d'un espace vu et réel? Une obscurité diffuse
efface les contours: c'est l'atmosphère noire et pesante
d'un jour d'orage qui est l'objet du tableau. "Paysage
Orageux" est la suspension d'un instant, moment fugace
et instable, passage.
Un "ciel bas et lourd" occupe l'espace, l'écrase
de sa présence plastique - un ciel de touches noires et
de traces grises, un ciel troué d'éclats de peinture
blanche. La rivière, long serpent argenté, semble
poursuivre son écoulement hors du champ pictural. Le ciel
et la rivière, échos chromatiques, ne sont pas
de simples motifs illusionnistes mais une matière voulue
visible, une réalité picturale à part entière:
George Michel détourne le motif romantique de l'orage
devenu prétexte à expérimenter la force
expressive et impressive de sa pratique plastique. Un éclair
zèbre le ciel orageux ; un précipité de
peinture, blanc et ocre, jaillit de l'épaisseur du ciel,
déchire et illumine la toile. "Paysage Orageux" est
un moment de déluge, non pas mystique, mais pictural:
un déluge de matière brute et de lumière; équivalent
plastique à l'orage et non son imitation.