"Paysage Orageux" de Georges Michel

Le dessin d'une colline vert bleuté ébauche la ligne d'horizon ; le tracé courbe des berges d'une rivière découpe l'espace en trois plans et en creuse la profondeur: au premier regard, on pourrait prendre "Paysage Orageux" pour l'exercice de style d'un peintre paysagiste. Les motifs de la plate vallée, du moulin bordé d'une masure et la gamme chromatique sombre (un dégradé du vert profond jusqu'au noir) révèlent l'influence de la tradition flamande. Mais s'agit-il ici de la représentation d'un espace vu et réel? Une obscurité diffuse efface les contours: c'est l'atmosphère noire et pesante d'un jour d'orage qui est l'objet du tableau. "Paysage Orageux" est la suspension d'un instant, moment fugace et instable, passage.
Un "ciel bas et lourd" occupe l'espace, l'écrase de sa présence plastique - un ciel de touches noires et de traces grises, un ciel troué d'éclats de peinture blanche. La rivière, long serpent argenté, semble poursuivre son écoulement hors du champ pictural. Le ciel et la rivière, échos chromatiques, ne sont pas de simples motifs illusionnistes mais une matière voulue visible, une réalité picturale à part entière: George Michel détourne le motif romantique de l'orage devenu prétexte à expérimenter la force expressive et impressive de sa pratique plastique. Un éclair zèbre le ciel orageux ; un précipité de peinture, blanc et ocre, jaillit de l'épaisseur du ciel, déchire et illumine la toile. "Paysage Orageux" est un moment de déluge, non pas mystique, mais pictural: un déluge de matière brute et de lumière; équivalent plastique à l'orage et non son imitation.

 
  Georges MICHEL
Paris, 1763 - Paris, 1843

Paysage orageux

Huile sur papier marouflé sur toile
H. 0,52 ; L. 0,67


Inventaire 1939-6