Peintre de la Cour à Wittenberg
dès 1505, Cranach privilégie l’art du portrait. Il répond aux
exigences du commanditaire par une liberté d'expression, qui
prend forme ici dans le rapport entre la valeur symbolique
du costume d’apparat , et la plastique étonnante des crevés,
la violence d’un système chromatique tout en contrastes.
Ce "Portrait d’une noble dame saxonne" est exemplaire de l’évolution
du
style de Cranach : au dynamisme et à l’agressivité qui caractérisaient ses paysages,
s’est substituée une certaine sérénité. Les mains croisées, la figure est comme
apaisée. Le fond uniforme et la lumière homogène contribuent à renforcer cette
impression de calme. De telle sorte que la force du tableau ne tient pas au dynamisme
de ce qui est figuré, mais au contraire à la retenue du sujet.
C’est tout d’abord un regard qui vous capture dès lors que vous posez l’œil sur
le tableau. Impétueux, il a quelque chose d’une provocation lancée au spectateur
habitué à ce que ce soit lui qui fixe, et non l’inverse.
C’est ensuite la posture de cette "noble dame" appuyée sur le cadre.
Non
pas sur une fenêtre qui serait figurée, mais bel et bien sur le cadre de la représentation.
Ainsi le mouvement tient-il d’une part à cette morgue que laisse paraître ce
geste d’abandon et d’autre part au fait que le tableau intègre littéralement, à même
la représentation, ce qui le constitue, posant ainsi le problème tout contemporain
de la mise en perspective de la matérialité de l’œuvre en son sein même.
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