Gauguin, Nave Nave Mahana (Jours délicieux)
Cette toile fut peinte en 1896, pendant le second séjour tahitien de Gauguin. De ses souffrances physiques de l’époque, rien ne transparaît dans ce tableau voué à l’harmonie d’un "jour délicieux". Ce bonheur est sous le signe de la profusion :
- Saturation des couleurs, chaudes et denses… le sol s’étale rouge sur près de la moitié de la toile, le paysage, s’étage jusqu’au ciel sans souci perspectif autre que celui garanti par la couleur . Gauguin s’éloigne en effet des conventions illusionnistes au profit d’un travail rythmique de la couleur ; horizontalement, le tableau est scandé par les bandes de couleurs qui composent le fond, tandis que verticalement les corps alternent avec les arbres pour tisser la tapisserie paradisiaque de femmes – fleurs, parade de figures dont le nombre laisse présager l'ambition totalisatrice de "Qui sommes-nous ? D’où venons-nous ?..." L’aspect hiératique de ces figures rappelle l’esthétique de la frise des Panathénées dont Gauguin avait emporté avec lui une reproduction : juxtaposition de jeunes femmes aux postures variées, qui semblent toutes posées sur un fond plus qu’intégrées au paysage ; aucune ombre portée n’installe ces figures, dont les pieds semblent flotter sur le sol … La séquence est encadrée, de chaque côté, par une figure assise qui clôt la série, et en garantit la plénitude.
- Vision - factice - d’un paradis déjà disparu lorsque Gauguin débarque dans l’île ? Le regard de la figure centrale, couronnée, frontale, semble à la fois nous prendre à témoin et nous interroger : il sort du monde édénique clos sur lui-même, et de ce fait le brise, mettant à nu pour nous la fiction du Nave Nave Mahana. C’est cette félure que Buraglio va exploiter dans son panneau : l’un peint sous le signe de la profusion, dans l’incarnation chromatique, le déroulement horizontal lisse et bienheureux - l’autre, dans le manque et le vide, la pâleur et le flottement: l’Eden recréé par Gauguin aura définitivement disparu chez Buraglio.




copyright Studio Basset
     
  Paul GAUGUIN
Paris, 1848 - Atuana, Hiva Oa (îles Marquises), 1903

Nave nave Mahana (Jours délicieux)
1896
Huile sur toile
H. 0,95 ; L. 1,30

Inventaire B-1038