Ce diptyque juxtapose les étapes
d’une création ; la première est un dessin
au crayon sur papier, qui donne à voir un squelette
; la deuxième redonne vie à cette étude
grâce à trois couleurs, rouge, puis bleu, puis
noir, rappelant la technique des trois couleurs utilisée
dans le dessin académique. Dissection, et renaissance:
après la cristallisation du noir et blanc, le dessin
coloré permet le retour de la sensualité, tout
en conservant l’ossature initiale. Le calque permet de
profiter du premier dessin comme support du second - qui est
donc un "d’après d’après",
sélection en vue d'une interprétation plus juste
de l’œuvre d’origine, et d'un certain détachement.
Le calque lisse et transparent évoque la peau de cette
Bethsabée, et la texture de la peinture elle-même,
sous lesquelles le sang circule. Le sang est dit avec le rouge;
il désigne les zones de lumière et signifie le
caractère érotique de la scène, insistant
sur les mamelons, le nombril et le sexe de la statue, ainsi
que sur les plis des vêtements ; grâce à lui,
on remarque qu’à l’ornement caractéristique
des doges répond le collier de Bethsabée. Le
bleu remplace les valeurs appliquées dans le premier
dessin. Le noir finit d’assombrir certaines zones, en
faisant surgir, par transparence, d’un côté les
trois figures de la scène principale, de l’autre,
l’architecture et le personnage du voyeur qui, penché sur
le jardin, renvoie à Buraglio lui-même re-regardant
le tableau pour mieux voir et garder.
La disposition en diptyque permet un va-et-vient de notre œil
sur un dessin, puis l’autre, reproduisant ainsi le travail
d’observation qui accompagne le travail d’après.
Le spectateur est invité, à travers la déconstruction
d’un tableau (le passage du pictural au dessin) et sa reconstruction, à parcourir
les étapes d’une étude, c’est-à-dire, à son
tour, à approfondir son regard. L’impression de tridimensionnalité éprouvée
par celui qui regarde une œuvre concrète (et non sa
reproduction) est rappelée par le matériau même
du calque; la transparence de ce support évoque aussi toutes
les images qui travaillent notre regard et qui sont déjà là,
entre nous et l’œuvre, comme autant de calques superposés.