D'après… Véronèse

Ce diptyque juxtapose les étapes d’une création ; la première est un dessin au crayon sur papier, qui donne à voir un squelette ; la deuxième redonne vie à cette étude grâce à trois couleurs, rouge, puis bleu, puis noir, rappelant la technique des trois couleurs utilisée dans le dessin académique. Dissection, et renaissance: après la cristallisation du noir et blanc, le dessin coloré permet le retour de la sensualité, tout en conservant l’ossature initiale. Le calque permet de profiter du premier dessin comme support du second - qui est donc un "d’après d’après", sélection en vue d'une interprétation plus juste de l’œuvre d’origine, et d'un certain détachement. Le calque lisse et transparent évoque la peau de cette Bethsabée, et la texture de la peinture elle-même, sous lesquelles le sang circule. Le sang est dit avec le rouge; il désigne les zones de lumière et signifie le caractère érotique de la scène, insistant sur les mamelons, le nombril et le sexe de la statue, ainsi que sur les plis des vêtements ; grâce à lui, on remarque qu’à l’ornement caractéristique des doges répond le collier de Bethsabée. Le bleu remplace les valeurs appliquées dans le premier dessin. Le noir finit d’assombrir certaines zones, en faisant surgir, par transparence, d’un côté les trois figures de la scène principale, de l’autre, l’architecture et le personnage du voyeur qui, penché sur le jardin, renvoie à Buraglio lui-même re-regardant le tableau pour mieux voir et garder.
La disposition en diptyque permet un va-et-vient de notre œil sur un dessin, puis l’autre, reproduisant ainsi le travail d’observation qui accompagne le travail d’après. Le spectateur est invité, à travers la déconstruction d’un tableau (le passage du pictural au dessin) et sa reconstruction, à parcourir les étapes d’une étude, c’est-à-dire, à son tour, à approfondir son regard. L’impression de tridimensionnalité éprouvée par celui qui regarde une œuvre concrète (et non sa reproduction) est rappelée par le matériau même du calque; la transparence de ce support évoque aussi toutes les images qui travaillent notre regard et qui sont déjà là, entre nous et l’œuvre, comme autant de calques superposés.


D'après…Véronèse (Bethsabée au bain)
2003
Crayon et crayons glasochromes rouge et bleu sur calque
74 x 50