Furini, "Saint Jean l'Evangéliste"
Faire le portrait d'un saint n'est pas un geste pictural anodin. Surtout pour ce "prêtre-peintre" qu'est Furini, dans l'Italie catholique du 17ème siècle encore pétrie de l'esprit de la Contre-Réforme. Saint Jean l'Evangéliste est une des figures fondatrices du mythe biblique et de l'histoire de la chrétienté : martyre et rédacteur de l'Apocalypse, du quatrième Evangile, il est souvent représenté par un ensemble de conventions inscrites dans l'univers visuel collectif. Mais éphèbe sensuel ou vieillard barbu, Saint Jean l'Evangéliste reste l'homme des Ecritures.
Représenter un Saint, c'est aussi faire acte de dévotion ; et Furini fait de son oeuvre l'expression d'un rapport personnel à la Foi. A la traditionnelle représentation symbolique du saint, l'artiste substitue la force suggestive d'une simple posture méditative, celle de l'auteur au travail : un livre aux contours discrets et un encrier sont les seuls rappels de l'activité intellectuelle de l'Evangéliste. C'est un Saint Jean enfant et vieillard à la fois : grâce juvénile du visage, sensualité discrète des contours, mais sérénité du sage, immobilité tranquille de l'homme mûr. Furini choisit l'austérité d'une gamme chromatique sombre : la silhouette du Saint fuit dans les ténèbres de la toile ; jeux de clair-obscur qui mettent en lumière le visage et l'avant bras d'un saint au regard perdu dans d'impénétrables Mystères. Ce que Furini veut donner à pressentir, c'est l'insaisissable intimité du rapport à Dieu, le regard intérieur du Saint.
Le manteau balafre et illumine la toile d'un pourpre profond. Le drapé, charnelle cascade de lourds replis, structure l'espace de la représentation et obsède le regard. Le drapé couvre et découvre, voile le corps et dévoile l'âme du Saint: la visibilité massive, l'élan plastique et mystique du vêtement le dérobent aux regards, suggèrent un autre corps. Le corps du Christ, corps dénudé, sujet de l'adoration du Saint et du croyant . C'est le sacré que le drapé, source ardente, présente ; le sacré, ou l'ineffable sentiment du divin. Le drapé éloquent, à la plasticité expressive, est l'instrument d'une révélation.
 
  Francesco FURINI
Florence (Italie), 1603 - Florence, 1646

Saint Jean l'Evangéliste
vers 1635/1636
Huile sur toile
H. 1,25 ; L. 1,03

Inventaire 1987-3