D'après… Hippolyte Flandrin
Tout invite à considérer ce dessin au fusain comme un portrait, du référent au cadrage; pourtant, le recadrage opéré par Buraglio supprime l'élément essentiel d'un (auto)portrait : le visage, et dans ce visage, le regard, ces deux lieux privilégiés pour saisir la singularité de l'autre. La représentation d'un peintre à l'oeuvre se substitue ici à la représentation de soi à l'oeuvre. Un peintre dessine un peintre qui dessine et la décapitation, thème récurrent chez Buraglio, prend ici un sens particulier - source d'une mise en abyme qui dérange et décentre le portrait. L'intérêt se déplace, de la figure au point de vue.
Le corps, lui, est recouvert de telle façon qu'on ne peut plus reconnaître son sexe; on sait seulement qu'il dessine; le châssis occupe un tiers de l'espace, laissé blanc ; effet de cadrage aussi, l'intersection des deux lignes du bras et du support forment le premier plan, achevant un angle qui ouvre le deuxième plan. Cadrage encore, la succession d'angles en forme de V. Un peintre cadre un peintre qui cadre. Ce jeu sur les angles et l'angle de vue se double d'un travail graphique complexe : le fusain croque le cou, la poitrine et la toile par quelques lignes fines, mais il marque les phalanges, les ongles, et quelques rides.
Ce portrait décentré et neutralisé se recadre donc sur les mains. Placées l'une au dessus de l'autre, elles occupent dans l'espace une place de choix, au coeur même du dessin. Crispée sur le support, la droite désigne l'espace derrière la toile ; la gauche est recroquevillée vers la poitrine du peintre, pointant l'espace vide entre le corps et le tableau. Elles apparaissent donc dans deux champs antithétiques dont la toile est la frontière : une extériorité, et une intimité. Portrait de l'intimité d'un geste, autoportrait de Buraglio autant que celui de Flandrin, l'auportrait glisse vers l'autopsie, celle du geste créateur.

D'après…Hippolyte Flandrin…(Autoportrait)
2002
Fusain sur papier
46 x 38